J’aurais peut-être chanté un poème épique si c’eût été le siècle de l’épopée ; mais qui est-ce qui fait ce qu’il aurait pu faire dans ce monde où tout est construit contre nature ?
Il traitera de l’invention, de l’élocution ou du style, du style historique, du style oratoire, du style didactique, du style épistolaire ; des différentes parties de l’oraison, l’exorde, l’exposition, la démonstration, la réfutation, la péroraison ; du récit, du pathétique, de l’action, ou des différentes parties de la déclamation, le geste et la voix ; de la poésie dramatique, du dialogue, de la tragédie, de la comédie, du poème lyrique et du poëme pastoral, de l’élégie, de l’ode, de l’idylle, de l’épître, de la satire, de la fable, du madrigal, de la chanson ou vaudeville et de l’épigramme.
— Vous me faites tort, lui dis-je ; je pense d’un bon vaudeville ce que pensait Boileau du « sonnet sans défaut » qui « vaut seul un long poème » ; il vaut même tous les longs poèmes du monde. […] II Le même, d’une main de gros mots point avare, En un autre poème à l’âne me compare28.
En littérature, c’est la querelle des Anciens et des Modernes qui déclenche le mouvement, et, pour tout critique, la séance académique du 27 janvier 1684 que Boileau quitta en criant au scandale avant que Perrault eût achevé la lecture de son poème sur le Siècle de Louis le Grand, représente, comme la journée du 14 juillet 1789 dans l’histoire politique, le commencement d’un drame que nous n’avons pas fini de vivre et qui prête encore actuellement son terrain à nos positions littéraires. […] L’Art poétique couronne l’œuvre de la génération classique et ne la précède pas, et la forme même du vers, l’obéissance aux lois du poème didactique, empêchent l’esprit critique de s’y manifester librement. […] Ici, la masure d’une épopée, là une tragédie démantelée ; de grands vers frustes enfouis et défigurés, les frontons d’idées aux trois quart tombés, des génies tronqués comme des colonnes, des palais de pensée sans plafond et sans porte, des ossements de poèmes, une tête de mort qui a été une strophe, l’immortalité en décombres.
À vrai dire, et malgré les innombrables et minutieuses recherches sur lesquelles cet ouvrage est appuyé63, ce n’est pas une histoire, c’est un poème épique en sept volumes, dont le peuple est le héros, personnifié en Danton. […] Ce fut l’origine d’une série de livres d’une forte et charmante originalité, l’Oiseau (1856), l’Insecte (1857), la Mer (1861), la Montagne (1868), qui furent comme autant de chants d’un poème de la nature ; la poésie se faisait l’interprète de la science, et cette série de tableaux et de descriptions d’une vérité et d’une puissance merveilleuses formaient dans leur large développement comme un hymne mystique au Dieu infini, unique, présent et vivant dans la multiplicité des choses. […] Ces versets sont fort clairs, mais de formes diverses, d’une écriture très libre, ici en grands poèmes, ici en récits historiques, là en pyramides, en statues. » L’antiquité « diffère très peu des temps modernes dans les grandes choses morales… pour le foyer surtout et les affections du cœur, pour les idées élémentaires de travail, de droit, de justice » Michelet retrouve dans les antiques doctrines de la race aryenne les idées même auxquelles l’avait conduit l’étude de la nature et de l’histoire. […] Un jour, à l’Académie, dans une discussion sur les poèmes de l’Inde, dont Guizot critiquait l’exubérance, Michelet éclata tout à coup : « Vous ne pouvez les comprendre, s’écria-t-il, vous avez toujours haï la vie. » 59.