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294. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Admis plus tard au jeu du roi, traité en pays étranger avec considération par les gouverneurs et les souverains, il est le premier à rappeler la médiocrité et plus que médiocrité de sa condition première ; il s’en souvient, ce qui fait que chacun l’oublie volontiers en lui parlant. […] Des années se passent, et ce même Gourville, devenu l’homme du roi à l’étranger, initié dans les intérêts et les caractères des personnages les plus influents des Pays-Bas et de la Hollande, est l’un des premiers à deviner le jeune prince Guillaume d’Orange, futur roi d’Angleterre, à lui donner des conseils, à le voir venir dans sa lutte couverte contre M. de Witt et à l’y applaudir ; et plus tard, quand l’habile prince a pris le dessus et est devenu seul arbitre dans son pays, Gourville, qui le visite au passage et qui en est très caressé, sait lui tenir tête en dissimulation, ne se livrer qu’autant qu’il faut, l’écarter doucement avec badinage et respect, comme il convient à celui qui représente désormais des intérêts contraires. […] Ce talent diplomatique lui fut encore utile, même plus tard ; mais quant aux voies de fait et aux actes tels que ceux qu’il exerça sur M. 

295. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Il est fait général de brigade pour ce fait d’armes à vingt-quatre ans (11 juin 1798), et Napoléon, plus tard, placera dans ses armes le drapeau de Malte comme trophée. […] En 1810, il fit envoyer en France deux cents jeunes Croates pour y être élevés aux frais du gouvernement dans les écoles militaires ou dans celles des arts et métiers : il en retrouva plus tard bon nombre encore remplis de reconnaissance, dans les longs voyages de son exil. […] On verra plus tard comment à Vienne, après 1830, dans une conversation familière qu’eut le maréchal avec le duc de Reichstadt, avec le fils de Napoléon, ce jeune homme de mystérieuse et pathétique mémoire saisit l’occasion de reprendre, de rectifier en quelque sorte la parole de son père, et de porter une consolation délicate dans l’âme du noble guerrier.

296. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Quand il fut question, plus tard, de conduire le char de l’État sur une pente rapide, et que pas un instant n’était à perdre, on conçoit que ce fond d’indécision dut être fatal : dans l’habitude de la vie, ce n’était qu’une singularité piquante. […] Il écoutait ce portrait lu par sa femme devant témoins, comme s’il eût été question d’un tiers, et plus tard il le publia lui-même dans les Mélanges qu’il donna d’elle en 1798. […] Sorti du ministère où il ne devait rentrer que sept ans plus tard et quand les circonstances seraient trop fortes pour lui, il continua de vivre dans la société, au milieu d’une faveur et d’une adulation presque universelles39.

297. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Pourtant Frédéric a gardé plus tard le silence sur les faits de cette époque ; il s’est honoré comme roi et comme fils par sa réserve respectueuse ; il s’est même donné tort en quelques mots et a pris sur lui la faute avec abnégation dans ses Mémoires de Brandebourg. […] Je cours après le temps que j’ai perdu si inconsidérément dans ma jeunesse, et j’amasse, autant que je le puis, une provision de connaissances et de vérités. » Plus tard, bientôt, au lendemain de son avènement au trône, la passion le saisira ; l’amour de la gloire, l’idée de frapper un grand coup au début et de marquer sa place dans le monde le fera, coûte que coûte, guerrier et conquérant ; il semblera oublier ses vœux et ses serments philosophiques de la veille ; il oubliera qu’il vient justement de réfuter Machiavel, il distinguera entre la morale qui oblige les particuliers et celle qui doit diriger le souverain. […] Ce passage a cela de remarquable qu’il définit admirablement à l’avance les caractères du génie et de la destinée du grand Frédéric, lequel en effet a dû s’appliquer à faire naître les circonstances, ou à s’y approprier au fur et à mesure qu’elles naissaient ; qui porte en tout et qui met à tout le cachet de la volonté, du travail et d’un certain effort, et qui ne le recouvre et ne le revêt point de splendeur, de spontanéité et de poésie, comme il arriva plus tard dans l’apparition étonnante et tout d’un jet de Napoléon.

298. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Ney attendait donc pour agir le corps de Reille, et, sur son ordre pressant, il ne vit arriver en premier lieu que Reille lui-même en personne, dont les divisions ne se mirent en mouvement pour rejoindre qu’un peu plus tard, et dont les conseils prudents, les remarques à l’égard des Anglais et du caractère particulier de leurs troupes, ne laissaient pas de lui donner à penser. […] Il crut qu’on lui demandait un suprême effort aux Quatre-Bras contre les Anglais, pour pouvoir ensuite, apparemment, se porter sur les derrières de l’autre ennemi, les Prussiens, et, au lieu de ralentir son action et de se borner, comme il le fit plus tard à la fin de la journée et après des prodiges de valeur perdue, à une solide défensive, il songea à ramasser ses forces pour porter un rude coup devant lui ; dans cette préoccupation unique et absolue, il envoya dire à d’Erlon, à ce même chef qu’un ordre de l’Empereur remis par Labédoyère dirigeait en ce moment vers le moulin de Bry, à dos de l’armée prussienne, de revenir en toute hâte aux Quatre-Bras : c’était un contresens.

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