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345. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Le recueil adressé à Diane est plein des tourments qu’il a éprouvés au service de cette dame ; c’est, dit-il naïvement : C’est le papier journal des maux que j’ai soufferts. […] C’est la nature qui lui inspire un assez grand nombre de vers pleins de douceur, qui subsistent par la vérité des pensées et par la nouveauté d’un langage aimable et délicat. […] Après cette réforme générale, il y avait une réforme de détail à faire, dont Desportes et Bertaut devaient être la matière, leur sagesse étant pleine d’incertitudes, et leurs perfectionnements pleins de défauts. […] Il disait que la bonne langue se parlait sur la place Saint-Jean expression exagérée d’une pensée pleine de justesse, où Malherbe laisse voir en même temps son sens supérieur et son esprit agressif et normand.

346. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Celui-là, où notre pays excelle, et qui est son cachet, le recueil de Mme de Sévigné en est plein. […] Quand ces lettres sont pleines, on est de l’avis du grand empereur. […] Mais les récits de Saint-Simon n’ont pas cette brièveté de Tacite, si pleine et si éloquente, ni cet art merveilleux qui donne à l’histoire l’intérêt d’un récit et l’aspect saisissant d’un tableau, ni ces profondes maximes qui en sont la moralité, et où Tacite est sans égal. […] Il leur faut s’y reprendre à plusieurs fois pour l’amener à la pleine lumière. […] Saint-Simon est à la fois traînant et plein de fougue ; c’est un torrent qui paraît embarrassé par les débris qu’il charrie, mais qui n’en court pas moins vite.

347. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Aristophane lui fait dire dans les Grenouilles : « Ma tragédie des Sept Chefs était toute pleine de l’haleine d’Arès, faisait des héros. […] — « Je ne vous blâme point d’honorer les dieux, mais n’empêchez pas les citoyens de courir aux armes par vos cris de mauvais augure. » — Et il leur dicte une vaillante prière, pareille à celles que les grands preux de l’Iliade lancent à pleine poitrine vers le ciel, dans l’anxiété du combat. — « Aux Dieux de la ville, aux Dieux du pays, aux Dieux des champs et de l’Agora, je jure, si la victoire est à nous, si Thèbes est sauvée, d’égorger des brebis sur leurs autels, de leur sacrifier des taureaux, et de consacrer en trophée, dans leurs demeures divines, les armures et les dépouilles prises à l’ennemi !  […] Un ciel constellé remplit l’orbe de ce bouclier, et la pleine lune, « Œil de la nuit », s’arrondit au centre de son champ d’étoiles. — La porte d’Électre est échue par le sort à Capanée, géant de taille et d’orgueil. […] — Ainsi qu’il fit au combat de Phlégra, et qu’il me perçât de toutes ses flèches, jamais il n’aurait de moi pleine vengeance. » — Alors mon guide parla d’une telle force que je ne l’avais pas encore si fortement entendu. « Ô Capanée, si ton orgueil ne fléchit pas, — Tu n’en es que plus puni. […] Et si l’un de mes frères, ou l’une de mes sœurs, ou ma belle-mère — car Priam me fut toujours un père plein de douceur — me blâmait dans nos demeures, tu les réprimandais et lu les apaisais par tes paroles bienveillantes.

348. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Quand on les médite plein du seul désir de l’intérêt public, on est obligé à chaque page de se dire que la saine politique n’est pas la science de ce qui est, mais de ce qui doit être. […] Dès qu’elles sont pleines de sottises ou de vérités, elles sont contentes. » Il y a des sciences entières fausses, c’est-à-dire fondées sur ce qui n’est pas (on voit bien qu’il en veut surtout à la théologie et à l’ancienne métaphysique), et ces sciences doivent leur origine à de faux rapports revêtus de mots dont se paye ensuite le vulgaire et même la foule des lettrés : Les signes restent, dit-il, et portent dans les générations suivantes l’existence des chimères et l’épouvante qu’elles causent. […] Il en faudrait seulement conclure que le monde est plein de gens légèrement fous ou enivrés. […] » Lui envoyant, en juin 1790, le discours prononcé à l’occasion du droit de paix et de guerre, et dans lequel se trouvait cette solennelle apostrophe sur la calamité de son silence ; y joignant de plus la motion qu’il venait de faire le jour même sur le deuil solennel qu’il avait fait décréter à l’Assemblée pour la mort de Franklin, il lui écrivait ce billet plein d’effusion et d’hommages : Le 11 juin 1790. — Voici, mon très cher maître, mon Droit de la guerre, qui vous sera un éternel monument (si toutefois vous ne le brûlez pas) de mes sentiments et de mes reproches. […] À l’occasion de je ne sais quelle séance de comité à laquelle il assista vers ce temps de pleine anarchie, il écrivait pour lui, sur un bout de papier, ces notes inachevées, mais qui rendent au vif l’impression répulsive d’une noble intelligence à la vue de procédés si déshonorants pour une nation et pour l’esprit humain : Comité du 20 mars. — Paillasse (Chalier ?)

349. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Il faut quelqu’un qui puisse faire cela pour les presbytères et les châteaux. » M. de Montalembert a de longs cheveux gris et plats, une face pleine, des traits de vieil enfant, un sourire dormant, des yeux profonds mais sans éclairs, une voix nasillarde et manquant de mordant, une amabilité douce et reposée, une caresse féminine des manières et de la poignée de main, une robe de chambre cléricale. […] » 5 juillet À Croissy. — Un oiseau qui chante par intermittences et de petites notes d’harmonie claire tombant, comme goutte à goutte, de son bec ; l’herbe pleine de fleurs et de bourdons au dos doré, et de papillons blancs et de papillons bruns ; — les hautes tiges hochant la tête sous la brise qui les courbe ; — des rayons de soleil allongés et couchés en travers du dessous de bois ; — un lierre qui enserre un chêne, pareil aux ficelles de Lilliput autour de Gulliver, et entre ses feuilles du ciel blanc, que l’on voit comme à travers des piqûres d’épingles ; — cinq coups de cloche, apportant au-dessus du fourré, l’heure des hommes et la laissant tomber sur la terre verte de mousse ; — dans la feuillée bavarde, des cris d’oiseaux, des moucherons volant et sifflant tout autour de moi ; — le bois plein d’une âme murmurante et bourdonnante ; — le ciel mollement éclairé d’un soleil dormant… Et tout cela m’ennuie comme une description. […] reprend la femme avec un sourire plein de confiance, oui, combien ? […] Cauchemar du gendre, la nuit, voyant des milliers de têtes dont le nez est ainsi tourmenté par des mains au bout de bras n’appartenant à personne. » Octobre Mlle *** (Renée Mauperin), la cordialité et la loyauté d’un homme alliées à des grâces de jeune fille ; la raison mûrie et le cœur frais ; un esprit enlevé, on ne sait comment, du milieu bourgeois où il a été élevé, et tout plein d’aspirations à la grandeur morale, au dévouement, au sacrifice ; un appétit des choses les plus délicates de l’intelligence et de l’art ; le mépris de ce qui est d’ordinaire la pensée et l’entretien de la femme.

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