Ils ne lisent point les poëmes pour examiner si rien ne s’y dément, mais pour jouir du plaisir d’être touchez. Ils lisent les poëmes comme ils regardent les tableaux, et ils sont choquez seulement des fautes, qui, pour ainsi dire, tombent sous le sentiment, et qui diminuent beaucoup leur plaisir.
Dans quelques épîtres, il y a d’assez jolis passages, et qui le peignent, sur l’ambition, sur la paresse : Qui sait, au printemps de son âge, Souffrir les maux avec courage A bien des droits sur les plaisirs. […] Le plaisir est si près de nous ! […] On dit que ce cardinal était l’homme du monde le plus aimable, qu’il aima la littérature toute sa vie, qu’elle augmenta ses plaisirs ainsi que sa considération, et qu’elle adoucit ses chagrins, s’il en eut… Puis, d’autres fois, il revient sur les souvenirs de Babet « qui remplissait son beau panier de cette profusion de fleurs » ; il joue, il badine, il retourne la critique en éloge. […] Il y aurait mauvaise grâce, après un tel jugement, si plein de sens et de candeur, à se donner le plaisir facile de railler Bernis sur ses vers. […] avec quel plaisir je rendrais compte de la douleur de l’ami et du citoyen dont j’ai été le témoin et le dépositaire !
Dans ce cours d’études de Tanneguy Le Fèvre, il se mêle de la gaieté, une sorte de plaisir qui réjouit le maître et anime l’enfant : « Car ôtez le plaisir des études, je suis fort persuadé qu’un enfant ne saurait les aimer. » C’est ainsi qu’à la lecture d’Homère, de Térence, même d’Aristophane (en y mettant du choix), il jouit de voir la jeune intelligence prendre et se divertir comme à une chose naturelle, et tirer d’elle-même plus d’une conclusion avant qu’on ait besoin de la lui montrer : « On m’a dit souvent, et je l’ai lu aussi, qu’il y a beaucoup de plaisir à voir croître un jeune arbre ; mais je crois qu’il y a plus de plaisir encore à voir croître un bel esprit. » C’est pendant qu’on élevait de la sorte l’un ou l’autre de ses frères que Mme Dacier enfant, et à laquelle on ne songeait pas, écoutait, profitait en silence ; et un jour que son frère interrogé ne répondait pas à une question, elle, sans lever la tête de son ouvrage, lui souffla ce qu’il devait répondre. […] Mme Dacier nous a peint son père, bel homme, quoique d’une taille peu dégagée, blond, avec des yeux d’un bleu remarquable ; extrêmement bon, mais un peu brusque ; vif, plein de feu dans le moment, sans rancune, et bien qu’ayant rompu presque tout commerce avec le monde, toujours ouvert et tendre à l’amitié : Quoiqu’il fût, dit-elle, dans un des plus beaux pays du royaume, où l’on peut se promener le plus agréablement, il ne se promenait presque jamais ; son étude, ses enfants et un jardin, où il avait toutes sortes de belles fleurs qu’il prenait plaisir à cultiver lui-même, étaient son divertissement ordinaire. […] Il ne m’a point fait autant de plaisir ; mais dans la sagesse du plan, l’économie des détails, le rapport des épisodes, l’adresse des narrations, on reconnaît toujours Homère, et Homère plein de vigueur, d’âme et de sens.
Horace Walpole, dans la description des fêtes qu’il donna à sa résidence de Strawberry-Hill en l’honneur de Mme de Boufflers, nous la montre fort agréable, mais arrivant fatiguée, excédée de tout ce qu’elle avait eu à voir et à faire la veille : « Elle est arrivée ici aujourd’hui (17 mai 1763) à un grand déjeuner que j’offrais pour elle, avec les yeux enfoncés d’un pied dans la tête, les bras ballants, et ayant à peine la force de porter son sac à ouvrage. » En fait de Français, Duclos était de la fête, lui « plus brusque que vif, plus impétueux qu’agréable », et M. et Mme d’Usson, cette dernière solidement bâtie à la hollandaise et ayant les muscles plus à l’épreuve des plaisirs que Mme de Boufflers, mais ne sachant pas un mot d’anglais. […] Elle ne voit jamais que moi qui s’intéresse, Et n’a pour tout plaisir qu’Auteuil et quelques fleurs, Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs. Grimm nous apprend que ces vers, lus dans la société de Mme de Polignac, furent généralement trouvés détestables : des jours toujours sereins, mauvaise consonnance ; — en interrompt la course, est-ce la course des plaisirs ou la course de la source ? — les entretenir est bien loin du mot plaisirs, de même que l’effacer est un peu loin du mot chagrin ; — et tous ces que, qui, quelquefois, des derniers vers ! […] Les transes, les tourments de l’intervalle, dans cette jolie maison, autrefois le rendez-vous de la meilleure compagnie et le séjour des plaisirs, nous les devinons.
C’était multiplier les ridicules et s’en donner tout le plaisir que de les assembler autour de soi, de les mettre en jeu et aux prises sous ce point de vue particulier. […] Il s’accommodait volontiers de tout ce qui passait devant lui dans le monde, parce qu’il y trouvait matière à sa raillerie et à son plaisir. […] C’est toujours une nécessité d’en faire, quand on aime à en jouer : car il faut, dans ce genre de plaisir, que les rôles s’arrangent selon les ressources qu’offrent les sociétés dans lesquelles on se trouve. […] Théodore Leclercq, devaient quelquefois embarrasser ce monde gracieux, qui n’y cherchait avant tout que le délassement d’une soirée et qu’un plaisir de l’esprit. […] Homme heureux, après tout, qui a trouvé son moment sans l’attendre ni le chercher, qui a joui de son esprit et développé son talent en ne recueillant que son plaisir.