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160. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Il faut l’avouer, si l’envie de plaire aux femmes, donne presque toujours atteinte à l’innocence des mœurs, elle inspire du moins la politesse & l’urbanité. […] Comment avoit-il pu la perdre au point de se déclarer contre l’Auteur le plus tendre, & le plus digne de lui plaire ? […] Il ressemble à ces fruits sauvages, qui plaisent d’abord à la vue, & dont la saveur détruit le charme. […] La Géométrie eut son cours comme les Romans : l’engoument pour cette science fut universel ; tout, jusqu’aux femmes, s’en mêla : on alla même, pour leur plaire, jusqu’à traiter la galanterie géométriquement. […] Il n’envisagea dans son Art, que la gloire de plaire au sexe le plus sensible, & le plaisir de faire couler ses pleurs au récit tendre & passionné des sentimens qu’il inspire.

161. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

S’interposant entre le prince Maurice et Barneveld, il les rapprocha autant qu’il le put, ce qui était difficile : « car le premier, disait-il, montre de fuir et avoir en horreur tout ce qui plaît à l’autre ». […] En se rapprochant donc tant qu’il le peut de Barneveld, qui est au fond l’oracle des Pays-Bas et « celui qui conduit la barque comme il lui plaît », Jeannin ne se livre pas à lui : mais il a soin « de s’avancer plus ou moins du côté de la paix ou de la guerre suivant les occurrences ». […] Et L’Estoile se plaît à citer les libéralités du président envers les illustres savants de Hollande. […] Jamais il n’embrassa plus d’affaires qu’il n’en pouvait expédier… Jamais il ne flatta son maître ; s’est toujours plus étudié à servir qu’à plaire ; ne mêla jamais ses intérêts parmi les affaires publiques.

162. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

C’est encore un pays tout neuf et qui conserve beaucoup du caractère étrusque, mêlé avec celui de la Renaissance qui plaît toujours tant. […] C’est si blanc et si clair que de loin on ne verra rien… Le dessin est tout à fait de convention et sans naïveté, et pourra plaire cependant à ceux qui ne s’y connaissent pas. […] Le moyen de trouver dans un homme avili ce qui est nécessaire pour plaire et attirer ! […] Il lui aurait fallu une compagne de « ce caractère doux, simple et aimant, que l’on trouve, disait-il, dans nos montagnes, et qui, lorsqu’il est joint à l’esprit naturel et même à une instruction solide, est plus fait pour plaire ».

163. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Voltaire est le premier, et il demeure incomparable : vif, naturel, facile, toujours prêt, donnant au moindre compliment un tour aisé, une grâce légère, exprimant au besoin des pensées sérieuses, mais les déridant bientôt, et toujours attentif à plaire, à faire rire l’esprit. […] Ne lui demandez pas, quand il prend la plume pour écrire une lettre, de songer à vous plaire, à vous égayer, à faire qu’on dise dans le monde autour de soi : « Il m’a écrit une belle ou une jolie lettre. » Buffon ignore le joli ; il a l’ambition et l’art de dire les grandes choses ; il n’a ni l’art ni le souci de dire les petites. […] Il disait encore, et du ton de la sincérité, au terme de sa carrière : « Je ne cherche point la gloire ; je ne l’ai jamais cherchée, et, depuis qu’elle est venue me trouver, elle me plaît moins qu’elle ne m’incommode. […] Vous irez voyager où il vous plaira, et je vous conseille d’aller voir votre oncle à Bayeux.

164. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Au premier abord, ces Mémoires de Cosnac plaisent assez peu et semblent ne répondre qu’imparfaitement à la réputation de l’auteur : ce n’est que peu à peu, en avançant, ou quand on les a quittés, qu’on s’aperçoit qu’ils ont augmenté nos connaissances sur bien des points et enrichi notre jugement. Aujourd’hui, il me plairait d’en détacher la plus belle et la plus intéressante figure, celle de Madame, à laquelle Cosnac eut l’honneur de se dévouer par un libre choix et pour laquelle il eut la gloire de souffrir. […] Il me fit l’honneur de me dire que je suis toute-puissante, et que je puis ce que je veux ; que, par conséquent, si je ne fais pas revenir le chevalier (le chevalier de Lorraine, alors exilé par ordre du roi), je ne me soucie pas de lui plaire, et joint ensuite des menaces pour le temps à venir. […] On eût dit qu’elle s’appropriait les cœurs au lieu de les laisser en commun, et c’est ce qui a aisément donné sujet de croire qu’elle était bien aise de plaire à tout le monde et d’engager toutes sortes de personnes.

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