Mme de Sévigné se trompe : Madame n’était nullement étonnée de sa grandeur ; elle se sentait faite pour ce haut rang d’épouse de Monsieur, elle se fût sentie à sa place plus haut encore ; mais Mme de Sévigné, qui se promenait pourtant si volontiers dans ses bois de Livry ou dans son parc des Rochers, ne devinait pas la jeune fille fière, brusque et sauvage, qui avait mangé avec délices son morceau de pain et ses cerises cueillies à l’arbre, à cinq heures du matin, sur les hauteurs de Heidelberg. […] Madame faisait donc une notable exception lorsque, dans son plan de vie, elle accordait une si grande place et si régulière à la méditation du saint livre. […] Mais comme il est dans le tempérament de Madame et dans son humeur d’outrer tout, même ses bonnes qualités, et d’y introduire quelque incohérence, elle va fort au-delà du but lorsqu’elle exprime le vœu de voir aux galères à la place des innocents ceux qu’elle suppose les persécuteurs, ou même d’autres moines quelconques, par exemple les moines espagnols qui furent les derniers à résister dans Barcelone à l’établissement du petit-fils de Louis XIV : « Ils ont prêché dans toutes les rues qu’il ne fallait pas se rendre ; si l’on suivait mon avis, on mettrait ces coquins aux galères, au lieu des pauvres réformés qui y pâtissent. » Voilà bien Madame dans sa bonté de cœur et dans ses excès de paroles, dans sa religion franche, sincère, mêlée de quelque bigarrure. […] Tout fut donc mis sens-dessus-dessous, et personne ne savait plus quelle était sa place ni ce qu’il était.
Tout cela trouve sa place, son usage ; et l’excès, quand il y en a, tombe de lui-même. […] Elle le fut à moi et ne l’avait été que deux fois auparavant, quelques années y avait, à M. de Lansac et fraîchement à M. de Biron, maréchal de France, en la place duquel je succédai ; et laissai la mienne à M. de Matignon, aussi maréchal de France… La fortune voulut part à ma promotion par cette particulière circonstance qu’elle y mit… Alexandre dédaigna les ambassadeurs corinthiens qui lui offraient la bourgeoisie de leur ville ; mais quand ils vinrent à lui déduire comme Bacchus et Hercule étaient aussi en ce registre, il les en remercia gracieusement. » Montaigne s’égaye et badine. […] C’est songer à sa réputation personnelle plus qu’au bien de la chose, que « d’attendre à faire en place publique ce qu’on peut faire en la chambre du Conseil, et de venir étaler en plein midi ce qu’on eût mieux fait la nuit précédente. » Il n’est pas de ceux qui pensent « que les bons règlements ne se peuvent entendre qu’au son de la trompette. » Et puis il s’exagère si peu l’honneur de ces postes secondaires ! […] Henri III, également satisfait de la prise du Château-Trompette, en remercia le maréchal et y ajouta l’ordre de marcher sur Agen, dont la reine Marguerite prétendait se faire une place de guerre et de sûreté.
Vous dire comment une particularité de si peu de valeur a pu se fixer dans ma mémoire, avec la date précise de l’année et, peut-être bien, du jour, au point de trouver sa place en ce moment dans la conversation d’un homme plus que mûr, je l’ignore ; mais si je vous cite ce fait entre mille autres, c’est afin de vous indiquer que quelque chose se dégageait déjà de ma vie extérieure, et qu’il se formait en moi je ne sais quelle mémoire spéciale assez peu sensible aux faits, mais d’une aptitude singulière à se pénétrer des impressions. » Un précepteur qu’on lui donne, pour le mettre en état d’entrer bientôt au collège, ne réussit qu’à partager l’esprit du jeune enfant et à y introduire un élément d’étude régulière, sans rien supprimer d’une sensibilité vague et discrète qui ne se laissait pas soupçonner. […] On eût dit que ce geste d’une personne qui marche et qui a chaud rafraîchissait aussi sa mémoire… Quoique brisée par un long voyage en voiture, il lui restait encore de ce perpétuel déplacement une habitude de se mouvoir vite qui la faisait dix fois de suite se lever, agir, changer de place, jeter les yeux dans le jardin, donner un coup d’œil de bienvenue aux meubles, aux objets retrouvés. […] Une chose, entre autres, m’y plaît encore : c’est que la description si riche et si vive y est pourtant toujours à sa place et n’empiète pas au-delà, comme on eût pu l’attendre et le craindre de la part d’un peintre. […] A la bonne heure pour le château des Trembles où Dominique a mis, à chaque place, à chaque coin et recoin, une part de son âme ; où il a semé le plus cher de sa vie première !
Catinat était encore à Casal en janvier 1687, et lorsque Louvois lui annonça, comme à tous les gouverneurs de place, la guérison du roi après la grande opération, il reçut de lui cette lettre d’un tour original et franc : « J’en ai, de bon cœur, célébré la joie à souper avec bonne compagnie de notre garnison. […] On disait que, quand il était de tranchée, « la besogne avançait du double. » Le siège fut long, difficile ; M. de Vauban prétendait que « jamais place n’avait désiré plus de canon que celle-ci pour la réduire. » Il disait aussi que « Monseigneur était si affriandé à la tranchée qu’il y voulait retourner toujours. » Le roi s’étonnait de cette longueur (relative) du siège ; Louvois, pour s’éclairer, réclamait des relations précises et presque journalières des meilleurs officiers, et il en voulait surtout de Catinat, « Sa Majesté, lui disait-il, ayant une fort grande foi à vos relations et me les ayant demandées souvent. » Louis XIV savait que Catinat ne mentait pas, — ne brodait pas. […] Les premières instructions qui lui furent données étaient restreintes et conditionnelles : détruire les Barbets d’abord, traverser le Piémont, porter la contribution dans le Milanais en assurant par l’occupation des postes nécessaires ses communications avec Pignerol ; puis, par de secondes instructions plus circonstanciées, on lui recommandait d’avoir raison à Turin des tergiversations du duc que l’ambassadeur du roi, M. de Rébenac, ne serrait point d’assez près ; de forcer ce prince à donner satisfaction au roi sur les points en litige, tels que l’envoi des régiments Piémontais en France, et la remise immédiate de deux places fortes, Verrue et surtout la citadelle de Turin, le menaçant de toute la sévérité du roi s’il n’obtempérait. […] Un autre, à sa place, aurait frémi d’être ainsi tenu en laisse après un triomphe ; lui, il s’en accommode, il n’en est pas fâché au fond et s’en lave les mains.
Une seconde et une troisième édition de ses Poésies (1820-1822) avaient dès ce temps marqué sa place au premier rang des femmes poètes. […] La réputation de Mme Valmore, sous sa première forme de touchante élégiaque et d’aimable conteur en vers, était faite dès ces années 1824-1827 ; pendant ses absences de Paris et ses séjours à Lyon ou à Bordeaux, sa nouvelle étoile avait pris place dans notre ciel poétique et y brillait d’un doux éclat, sans lutte et sans orage. […] » Et elle lui promettait une place au Temple du Goût à côté de Mme Des Houlières67. […] Tel était alors le suffrage des bons esprits classiques, et je n’en fais pas fi quand il est à sa place et en son lieu.