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314. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Mais elle est aussi, la Muse de Magre, comme Carmen, souvent en loques et pieds nus, bêtement sentimentale, et cependant lorsqu’elle danse avec du cuivre imitant l’or dans ses cheveux, elle domine les amants et les conduit jusqu’à la mort. […] Né sur le sol albigeois, au pied de « l’Aric poudreux où montent les bergers » où fréquentent les perdreaux rauques dans le vent fiévreux, il a réalisé une poésie vivante et vibrante, douloureuse et forte. […] Tu le suivras : la rame a bondi sur la mer ; Mais avant qu’à tes pieds manque le sable amer. […] — Dis-leur comme ils sont doux à voir Mes cheveux bleus comme des prunes, Mes pieds pareils à deux miroirs Et mes deux yeux couleur de lune. […] J’aurai blessant mes pieds, tes piétinants sabots                   Je te tiendrai par les oreilles ; Dans la lutte, nos deux vigueurs seront pareilles                   Et nos mouvements seront beaux.

315. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Naturaliste du plus immonde naturalisme, partant du pied de son moi isolé et individuel, il érige dans ce livre, qu’il appelle assez superbement « La Justice dans la Révolution et dans l’Église », l’opposition entre l’abstraction simple de la justice innée et la réalité, double et vivante, de la justice révélée divinement(comme l’enseigne l’Église) à la conscience du genre humain. […] Je l’ai connu, dans la longue redingote vert-bouteille dont parle Sainte-Beuve, avec son chapeau de quaker et ses pieds de cuistre et de commissionnaire, mais qui faisaient bravement quatre-vingts lieues pour aller voir, seulement quelques heures, un ami à Paris ! […] La Correspondance serait un commentaire intéressant des Œuvres, et qui sait si un jour un éditeur intelligent ne la placera pas en notes sous les pieds du texte ? […] Et, de fait, dans les véhémences de la Pornocratie il y a du Bridaine, du Bridaine de plain-pied, sans la majesté de la chaire, car le xixe  siècle, dont Proudhon est un des fils, a mis tout le monde à pied. […] Elle était livrée aux cheveux blonds, — les cheveux de la prostitution, — et au pied nu dans les sandales.

316. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Ils remarquaient la mortalité effrayante des chevaux, qui n’avaient à manger le plus souvent que la paille des toits ; une partie de la cavalerie mise à pied, la conduite de l’artillerie rendue plus difficile, les convois d’ambulance forcés de rester en arrière, et par suite les malades presque sans secours dans les hôpitaux. […] De Viazma à Smolensk on disputa le terrain pied à pied, et partout où l’on put, à Dorogobouj, à Sloboda Pnevo, à tous les ponts du Dniepr.

317. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Un jour ou l’autre, s’il n’y prenait pas garde, l’Orient le chausserait de ces engloutissantes babouches dont Lœve-Weimars n’a pu se dépêtrer malgré l’alacrité vigoureuse de son esprit occidental ; et même sa main de peintre, cet organe habile, il la fourrerait tout autant que ses pieds de rôdeur dans ces fatales babouches, et c’en serait fait de son talent ! […] C’est la froideur blême, nerveuse, maigre, d’un vaporeux étrange en ces climats d’énergie ; mais c’est le sorbet des ardents, car un mari tua sa première femme pour la suivre, et, quitté par elle, il s’en venge, avec l’adresse féroce d’un centaure, en lui fendant le front, au milieu d’une fête, avec les deux pieds de son cheval ! […] Il l’est à la façon d’un homme qui a eu, dans l’ordre du temps, l’héroïque initiative d’écrire l’histoire qu’il a écrite, — le premier de tous et à la première heure, les pieds et la main encore dans les flammes de cette histoire qui, désormais, dans le souvenir des hommes, ne s’éteindra plus !

318. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Elle habitait rue de Rougemont et nous y allions à pied, moi portée, évidemment, une partie du chemin ! […] Du Grand-Montrouge au Luxembourg, à pied, c’était loin pour mes petites jambes, surtout en cette austère compagnie, tenue par la main, tout le long de la route. […] Assise par terre, cramponnée au pied d’une commode, j’envoyais des coups de pieds forcenés, en poussant de tels cris, que les rares passants de la route de Châtillon s’ameutaient, croyant à un égorgement. […] On le tirait par les pieds… il manqua de faire tout échouer… plutôt que d’en abandonner un seul, aucun ne serait parti… on n’oublie pas un pareil quart d’heure. […] Le maître se fâchait, comptait plus fort, se précipitait sur un pied, dont la pointe se tournait en dedans, et, d’un mouvement brusque, la remettait en dehors.

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