De la philosophie et de la méthode de MM. […] On le remarquera aussi plus tard, leur technique apporte comme le reflet de la forme et de la philosophie qu’ils ont choisies, et tous les caractères de leurs œuvres sont l’expression naturelle de leur personnalité. […] La Poésie n’est ni la musique, ni la sculpture, ni la peinture, ni l’architecture, ni la morale ; mais qu’elle soit philosophique par son idéale portée, que l’ordonnance la montre architecturale, que ses images la colorent et la dessinent, que par ses rythmes et ses harmonies elle atteigne la musique — et que, musique, philosophie, peinture et dessin, elle soit en même temps tout cela, car elle se nourrit de tous les arts et de toute la pensée, comme elle les pénètre elle-même de son vivant effluve.
Vers la fin, Retz s’amusait dans ses loisirs de Commercy à causer et à discourir de la philosophie de Descartes, qui était alors dans sa plus grande vogue. […] Nous approchons d’une époque de vœux et de souhaits ; je ferai le mien : Puissent tous les factieux, tous les agitateurs, tous ceux qui ont passé leur vie à remuer les parlements et les peuples, finir aussi doucement, aussi décemment que le cardinal de Retz, se ranger comme lui sous la loi de la nécessité et du temps, jouer comme lui en vieillissant au whist, au cartésianisme, à la philosophie de leur temps (s’il y a encore de la philosophie), rester ou redevenir parfaitement aimables, causer avec des Sévigné s’ils en rencontrent, et, en écrivant leurs mémoires, les remplir des maximes de leur expérience, les rendre piquants, amusants, instructifs, mais pas tellement entraînants toutefois qu’ils donnent envie après eux de les imiter et de recommencer de plus belle !
Bossuet ne repousse point les lueurs ni les secours de l’antique philosophie, il n’y insulte point ; selon lui, tout ce qui achemine à l’idée de la vie intellectuelle et spirituelle, tout ce qui aide à l’exercice et au développement de cette partie élevée de nous-mêmes, par laquelle nous sommes conformes au premier Être, tout cela est bon, et toutes les fois qu’une vérité illustre nous apparaît, nous avons un avant-goût de cette existence supérieure à laquelle la créature raisonnable est primitivement destinée. […] Il méconnaît ce qu’il pouvait y avoir de graduel et d’acheminant au christianisme dans la philosophie ancienne. […] Pascal, il faudrait y rectifier en beaucoup d’endroits les idées imparfaites qu’il y donne de la philosophie du paganisme ; la véritable religion n’a pas besoin de supposer, dans ses adversaires ou dans ses émules, des défauts qui n’y sont pas.
Nous savons bien qu’une langue ne sera jamais fixée ; mais pourtant nous paraît-il (avantageux qu’elle garantisse une. certaine stabilité sans être comme l’allemand sans cesse à l’état malléable, fluide pour ainsi dire, et, suivant une des expressions de la philosophie germanique, « dans un éternel devenir ». […] Il faudrait encore bien rechercher si la sonorité de l’espagnol ne produit pas un cliquetis de mots parfois vide et vain, si la douceur italienne ne dégénère pas aisément en mollesse banale et ne fait point penser à ce « latin bâtard » dont parle Byron, si ces deux idiomes arrêtent et retiennent suffisamment l’idée, si dans ces deux langues la facilité toute spontanée de la musique ne se dérobe pas aux nuances psychologiques du sentiment, aux profondes analyses de la pensée, à la dialectique soutenue, à cette harmonieuse alliance de la philosophie morale et de l’art, qui recommandent la prose et la poésie française depuis leurs origines jusqu’aux chefs-d’œuvre contemporains. […] De notre temps si la Prose s’altère sur quelques points, c’est pour s’enrichir par tant de conquêtes : rappelons-nous la comédie élargissant son domaine, le roman agrandi suscitant ses véritables chefs-d’œuvre, l’histoire faisant de son champ jadis étroit tout un monde d’explorations et de découvertes, la critique vraiment fondée et promue à la dignité d’un genre original où cinq à six hommes supérieurs ont véritablement créé, l’érudition réconciliée avec le beau style et devenue l’une des provinces de la haute littérature, la politique rendant parfois de mauvais services à la pureté de la langue, mais produisant aussi dans la presse et à la tribune d’admirables écrits de polémique et de non moins admirables discours, la philosophie et la religion enfin pour de nouveaux besoins et avec de nouveaux interprètes se créant aussi une langue nouvelle.
On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd’hui des sociétés humaines qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. […] Là est la grande infériorité de la philosophie par rapport aux mathématiques et même aux sciences de la nature. […] Il y aurait donc une philosophie naturelle, l’animisme, d’où serait sortie la religion. […] Telle d’entre elles, celle de l’Inde ou de la Perse, s’est doublée d’une philosophie. Mais philosophie et religion restent toujours distinctes.