Leur terreur, quand ils en ressentent, sous l’impression des phénomènes de la nature, n’a aucun caractère religieux. […] Ici, comme dans les sciences physiques, les causes véritables des phénomènes restent cachées à l’observateur. […] Réduits à l’expérience, nous ne savons que ceci : il y a fréquemment coexistence ou suite entre les phénomènes. […] Toute espèce de rapport entre les phénomènes se réduit à un rapport de succession ou de concomitance. […] L’observateur des phénomènes psychiques est dans une toute autre situation.
La distinction des phénomènes internes et des phénomènes externes n’est donc qu’une classification des conditions d’un seul et même phénomène en : 1° conditions représentables dans l’espace par le moyen de la vue et du tact, et 2° conditions non représentables dans l’espace. […] Le phénomène dit externe est au fond identique au phénomène interne. […] Dès lors, en distinguant les phénomènes physiques des phénomènes chimiques, etc., on distingue simplement une classe générale de phénomènes d’une autre classe de phénomènes, indépendamment du fait d’être senti, perçu, pensé, voulu, etc. […] Les phénomènes à étudier sont toujours concentriques. […] En d’autres termes, les lois vraiment psychologiques ne sont plus une pure coordination causale de phénomènes dans le temps ; nous ne nous contentons plus de ranger le phénomène A au premier moment, le phénomène B au second moment, etc., et d’ajouter que, dans les mêmes circonstances, le même ordre se reproduira.
Stahl fait de l’âme le principe unique de tous les phénomènes de la vie physique. […] Voulez-vous voir sortir toujours de la même origine les autres phénomènes de l’entendement ? […] La physiologie constate seulement des rapports entre les phénomènes organiques et les phénomènes psychiques ; mais elle se trompe quand elle les confond : des coïncidences ne sont pas des identités. […] En disant que certains physiologistes confondent les phénomènes psychiques avec les phénomènes cérébraux, nous ne voudrions pas exagérer la portée de cette confusion. […] Ce ne sont pas les phénomènes qu’ils confondent, ce sont les causes, lorsqu’ils parlent indifféremment de faits psychiques ou de faits cérébraux, et qu’ils s’efforcent d’expliquer comment les phénomènes de l’ordre physiologique se transforment en phénomènes de l’ordre psychique.
L’affirmation des lois de la nature contient deux affirmations principales : 1° tout phénomène succède à un autre phénomène ; 2° ce phénomène n’est pas quelconque, mais déterminé, si bien que tels phénomènes semblables succèdent toujours à tels phénomènes semblables. […] En effet, tout changement qui se produit dans des phénomènes, par exemple un son subit au milieu du silence, est lui-même un phénomène ; la différence, avec le choc qu’elle cause en nous et le sentiment particulier qui en résulte, est un phénomène comme un autre, qui appelle immédiatement l’idée d’un phénomène antérieur. […] Nous ne trouvons une parfaite similitude entre deux phénomènes que quand nous les réduisons par la pensée à un seul phénomène. […] Un phénomène isolé serait un phénomène conçu, non réel ; il serait de plus sans raison et sans cause, étant sans lien. […] La cause serait le monde de l’instant A, le phénomène universel A, qui cesserait d’être pour laisser place au monde de l’instant B, au phénomène universel B.
En pareil cas, nous pourrons rendre compte de la partie principale du phénomène, mais il y aura des variations et modifications que nous ne pourrons complètement expliquer. […] Comte revendique pour les physiologistes seuls la connaissance scientifique des phénomènes intellectuels et moraux. […] L’exemple qui précède met dans tout leur jour les deux principales doctrines de la psychologie à posteriori la plus avancée : 1° Que les phénomènes les plus abstrus de l’esprit sont formés de phénomènes plus simples et plus élémentaires. […] Cette manière d’interpréter les phénomènes de l’esprit, continue M. […] En résumé, deux sortes d’investigations tout aussi nécessaires pour l’étude des phénomènes de l’esprit que pour celle des phénomènes matériels : la première, dont la généralisation de Newton est le type le plus parfait, ramène les faits à des lois et celles-ci à d’autres lois plus générales ; la seconde, dont l’analyse chimique est le type, s’applique non aux successions de phénomènes, mais aux phénomènes complexes eux-mêmes, et les résout en éléments simples, comme cela se fait en chimie pour tout corps composé.