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649. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

J’ai dominé la foule, — et le peuple en guenilles À voulu dans ses bras me porter triomphant ! Mais tout cela, mon père, a fatigué mon âme Sans l’user, — tout cela, amour, jeunesse et femme, La gloire du Sénat, celle des bataillons, Et le peuple en drap d’or, et le peuple en haillons, Tout cela m’a bientôt paru fortune aride ; En le voyant de près, j’en ai trouvé le vide, Et, déchirant ma robe au fer de mes talons, J’ai porté mes regards vers de plus hauts jalons !

650. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Mais cet usage, pendant des siècles, n’a été établi chez aucun peuple. […] Des jurisconsultes comme Baudouin, Duaren et Hotman, commentateurs de ces lois romaines, si nécessaires à des peuples barbares qui commençaient à étudier des mots, et n’avaient point de lois ; d’Argentré, d’une des plus anciennes maisons de Bretagne, et auteur d’un excellent ouvrage sur la coutume de sa province ; Tiraqueau, qui eut près de trente enfants, et composa près de trente volumes ; Pierre Pithou, qui défendit contre Rome les libertés de l’église de France, qui devraient être celles de toutes les églises ; Bodin, auteur d’un livre que Montesquieu n’a pas fait oublier ; enfin, Cujas et Dumoulin, tous deux persécutés, et tous deux hommes de génie, dont l’un a saisi dans toute son étendue le véritable esprit des lois de Rome, et l’autre a trouvé un fil dans le labyrinthe immense de nos coutumes barbares. […] Enfin des hommes qui honoraient de grandes places par de grandes lumières, tels que le cardinal d’Ossat et le président Brisson ; et ce Harlay, intrépide soutien des lois parmi les crimes79 ; et ce L’Hôpital, poète, jurisconsulte, législateur et grand homme, qui empêcha en France le fléau de l’inquisition, qui parlait d’humanité à Catherine de Médicis, et d’amour des peuples à Charles IX ; qui fut exclu du conseil, parce qu’il combattait l’injustice ; qui sacrifia sa dignité, parce qu’il ne pouvait plus être utile ; qui, à la Saint-Barthélemi, vit presque les poignards des assassins levés sur lui, et à qui d’autres satellites étant venus annoncer que la cour lui pardonnait : « Je ne croyais pas, dit-il d’un air calme, avoir rien fait dans ma vie qui méritât un pardon. » Voilà les noms les plus célèbres que l’on trouve dans les éloges de Sainte-Marthe.

651. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

J’ose dire que le peuple le plus sensible est celui qui a le plus de répugnance pour les atrocités. […] M. de Voltaire regarde l’empire de l’esprit, et l’honneur d’être le modèle des autres peuples, comme des marques infaillibles de grandeur. […] À ces deux peuples célèbres on peut joindre les Anglais, chez qui les femmes sont peu répandues dans le monde, et ne vivent point avec les hommes. […] Le peuple est agité : agité est très faible ; d’ailleurs il y avait longtemps que le peuple était agité. […] Brutus ne fut qu’un factieux qui souleva le peuple contre son souverain, pour régner lui-même à sa place sous le titre de consul, et au nom du sénat dont il était un des principaux membres : au lieu d’un maître qu’avait alors le peuple romain, il lui en donna trois cents.

652. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Dans cette étude des mœurs d’un grand peuple, l’antiquité n’est guère représentée que par Homère et Théophraste, Aristophane, Plaute et Térence, et chez nous Molière et La Bruyère, et puis rien, sinon — tout en bas — des barbouilleurs : Rétif de La Bretonne et Mercier du Tableau de Paris ! […] C’est la loi universelle ; s’il est très vrai de dire que les idées font le tour du monde, et qu’elles aillent, de peuple en peuple et de siècle en siècle, cherchant leur vie jusqu’au jour où elles revêtent définitivement la forme lumineuse qui les fait éternelles, un temps arrive, beaucoup plus rapide, où dans un certain lointain, favorable à la poésie autant qu’à la réalité, les choses humaines vous apparaissent sous un jour tout nouveau. […] et peuple ! […] De cette Cité du peuple et de Dieu : dont le centre est partout, et la circonférence nulle part, La Bruyère passe à un autre pays, qui était quelque chose, au temps de La Bruyère, il passe ou plutôt il revient à la cour. […] cinquante ans plus tard, dans ce même palais de Versailles qui était la citadelle imprenable de cette royauté d’Asie, le peuple arrivait qui s’emparait du roi et de la reine de France, et qui les emportait eux, leur famille, et la couronne de tant de rois, pour tout briser sur un échafaud sanglant et sous la hache des bourreaux !

653. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

De son côté, l’épiscopat mit les armes aux mains du peuple et de la noblesse. […]  » A l’égard de la bourgeoisie et du peuple on employait les dragons ; on jugeait cet argument assez clair. […] Ces ruines, en effet, ce ne sont pas uniquement celles de l’« hérésie », celles d’un petit peuple endurant et fier, ce sont aussi les ruines de la France, que cette élite conduisait lentement à l’avenir, et qui demeure sans force, comme prostrée, après ce coup de poignard dont l’Église l’a frappée au cœur. […] L’Angleterre, la Hollande, le Danemark, l’Allemagne, la Suisse, nations réformées, au contraire se maintiennent ou s’épanouissent Aux peuples qui n’ont pas su s’en débarrasser à temps, l’Église dévore le cerveau et la moelle. […] Les peuples qui ont, au contraire, secoué le joug de l’autorité religieuse et qui lui ont substitué le libre examen, ont accru par cela même leur énergie.

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