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331. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Il était de cette première génération, de ce premier essaim de l’École d’Athènes, qui inaugura l’institution en 1847, et il s’est formé ses idées sur le peuple et sur le pays pendant un séjour de trois années. […] Il n’y a jamais eu l’unité de peuple proprement dit, il y a quantité de peuples différents. […] Des gens du peuple lisent couramment Xénophon et Plutarque. […] Après l’habile Capo d’Istria, trop homme de cabinet pourtant, trop habit noir pour la Grèce, et si odieusement frappé au début de sa mission pacificatrice, il n’y a eu d’homme d’État que Coletti, celui-ci tout à fait selon le cœur et le génie du pays et du peuple, le seul Grec de ce temps-ci qui, selon la parole de M.  […] Il y a, me dit-on, en Italie à cette heure, à défaut d’un grand ministre dirigeant, une épidémie de bon sens et de sens commun dans toute ]a nation : heureuse et vraiment merveilleuse affection des esprits, qui suppose un peuple de rare qualité et déjà mûr !

332. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Mme de Staël, avec une impartialité intelligente, note les caractères distinctifs de chaque peuple : elle voit l’âme allemande, la vie allemande même, elle distingue la vie de Vienne et la vie de Berlin, l’âme allemande du Sud et l’âme allemande du Nord. […] Sa souple intelligence est comme paralysée par ses sympathies et ses ambitions : elle qui comprenait si bien et si vite tous les peuples, elle ne comprend pas la France révolutionnaire. […] Ainsi à l’idéal absolu de Boileau se trouve substituée une pluralité de types idéaux, relatifs chacun au caractère national et au développement historique de chaque peuple : la tyrannie des règles éternelles est rejetée. […] Mme de Staël a vu une Allemagne sentimentale, rêveuse, loyale sincère, fidèle, un peuple de doux métaphysiciens sans caractère, sans patriotisme, impropres à faction, capables d’indépendance, et non de liberté. […] Cela aboutit à rendre suspect au peuple l’homme bien élevé autant que le propriétaire et le capitaliste : il sent peut-être plus le mépris qui le tient à distante, que la richesse dont il est exclu.

333. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Peuple de singes et de perroquets. […] Mais d’énergie individuelle, que peut-il y en avoir chez un pareil peuple ? […] En cela il représente bien, non, certes, le peuple lui-même, mais un des instincts du peuple, et le plus vif, et à l’état victorieux. Le peuple ne se trompe donc pas entièrement en se voyant représenté par lui. […] Un peuple tenu pour un être collectif, c’est l’idée d’une étroite dépendance réciproque entre les différents membres de ce peuple ; et Proudhon n’aime pas cette idée-là.

334. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

L’idée, sous cette forme humanitaire, est réellement pour le peuple anglais une attitude d’utilité, parce qu’il a conservé le pouvoir de la déformer, de la concevoir autre qu’elle n’est, dès qu’elle cesse de le servir. […] À vrai dire, pour faire saisir, le danger qu’il y a pour un peuple à être dupe d’une idée générale, il n’est pas même besoin de faire entrer en ligne de compte coefficient d’égoïsme. […] Il faut donc penser qu’un peuple qui, avec le sentiment de l’honneur et le sens de la générosité, possède les freins qu’il faut pour comprimer l’excès de son énergie, risque de voir cette énergie brisée s’il lui oppose encore, avec l’idée humanitaire, un frein nouveau. […] Que l’on imagine, sur le thème de l’apologue de La Fontaine, un peuple de cigognes se laissant persuader par la prédication d’une horde de renards, que la moralité commande de se nourrir de brouet clair dans des assiettes plates, voici le peuple des cigognes au bec pointu, au long cou, voué à la famine au grand profit des renards qui, du revers de la langue, laperont vite et sans peine les meilleures pitances. […] La disposition par laquelle il changeait quelque chose à la coutume héréditaire, devait être approuvée par un vote du peuple assemblé par curies sous la présidence du pontife.

335. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

À chacun de ces caractères les peuples grecs attachèrent toutes les idées particulières qu’on pouvait y rapporter, en considérant chaque caractère comme un genre. […] Ils attribuèrent à ces deux caractères les actions particulières dont la célébrité pouvait assez frapper l’attention d’un peuple encore stupide, pour qu’il les rangeât dans l’un ou dans l’autre genre. […] De là deux lois éternelles en poésie : d’après la première, le sublime poétique doit toujours avoir quelque chose de populaire ; en vertu de la seconde, les peuples qui se firent d’abord eux-mêmes les caractères héroïques, ne peuvent observer leurs contemporains civilisés [et par conséquent si différents], sans leur transporter les idées qu’ils empruntent à ces caractères si renommés.

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