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448. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Ce ne sont pas les mêmes personnages ni le même point de vue, voilà tout. […] C’est vraiment une tragédie à trois personnages, celui qui s’étale sur la toile vivant d’une vie aussi réelle que les deux autres. […] Vous trouverez les deux personnages qui sont dans presque tous les romans de M.  […] Zola) par la lenteur puissante, par l’énormité et la simplicité de la plupart des personnages  enfin par le retour régulier de sortes de refrains, de leitmotiv : descriptions de la cathédrale et du Clos-Marie à toutes les heures du jour et dans les principales circonstances de la vie d’Angélique ; énumérations des vierges du portail de Sainte-Agnès, et discours qu’elles tiennent à la jeune fille, selon les cas ; énumérations des ancêtres de Félicien de Hautecœur et de ses aïeules, les mortes heureuses ; énumérations d’outils de chasublier ; douleur secrète d’Hubert et d’Hubertine ; longueur du cou d’Angélique ; nez de monseigneur, etc.

449. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Ce vieux marquis, le meilleur personnage de la pièce, est le Misanthrope du dix-septième siècle, assis au parterre de la société moderne et la sifflant, comme une mauvaise comédie. […] Donc, le marquis d’Auberville, voyant Vernouilhet à terre, s’imagine de le redresser et d’en refaire un personnage. […] Le dialogue veut être gai à tout prix ; les mots pleuvent, les reparties grêlent ; souvent même, les personnages, pour égayer le sujet, parlent l’argot des coulisses et imitent le cri des rapins. […] Ce n’est pas tout : il s’agit encore, pour justifier cette mésalliance apparente, de faire un personnage de l’industriel.

450. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

De jolis vers, tour à tour satiriques ou flatteurs, à l’adresse des personnages du temps, en faisaient dans sa nouveauté quelque chose de plus vif et de plus animé qu’il ne nous semble aujourd’hui. […] Rulhière était d’avis que, dans un cercle, il ne fallait jamais se presser de demander quel était l’homme qu’on voyait entrer et qu’on ne connaissait pas : « Avec un peu de patience et d’attention, on n’importune ni le maître ni la maîtresse de la maison, et l’on se ménage le plaisir de deviner. » Il avait là-dessus toutes sortes de préceptes, de menues remarques très fines, très ingénieuses, dont il faisait la démonstration quand on le voulait, et il ne se trompait guère : Il en fit en ma présence l’application chez Mlle Dornais, raconte Diderot : il survint sur le soir un personnage qu’il ne connaissait pas ; mais ce personnage ne parlait pas haut ; il avait de l’aisance dans le maintien, de la pureté dans l’expression, et une politesse froide dans les manières […] Lorsqu’il aborde enfin sa vraie matière, qui commence avec l’élection du roi Stanislas Poniatowski, Rulhière a l’inconvénient d’avoir à se prononcer sur des caractères vivants qui n’ont pas eu leur entier développement, sur des personnages qui n’ont pas donné leur dernier mot.

451. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Le caractère et la vocation politique de Mme des Ursins se montre bien en ce qu’elle est curieuse et avide de connaître les personnages distingués du monde, les gens capables, et de les apprécier en eux-mêmes pour en tirer ensuite quelque usage par rapport aux, choses de l’État. […] Mme des Ursins le lui reproche ; elle a des peines infinies à obtenir d’elle de donner accès une fois ou deux aux personnages éminents qui passent à la cour de France et qu’elle lui recommande. […] Élisabeth de Parme se sentait trop un personnage de première force pour pouvoir exister à côté de Mme des Ursins sur la même scène. […] Et cependant, en quittant ces deux personnages de haute représentation, Mme des Ursins et Mme de Maintenon, ces deux sujets habiles et du premier ordre, me sera-t-il permis de rappeler au fond, en arrière et au-dessous d’elles, d’une époque un peu plus ancienne, une simple spectatrice de cette belle comédie de la Cour, une personne qui n’a eu en rien le génie de l’intrigue et de l’action, mais d’un bon sens égal, doux et fin, d’un jugement calme et sûr, la sage, la sincère et l’honnête femme véritablement en ce lieu-là, Mme de Motteville ?

452. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

On sait d’ailleurs, que M. de Pourceaugnac, la comtesse d’Escarbagnas, native d’Angoulême, George Dandin, signalé comme un « riche paysan, mari d’Angélique », et d’autres personnages de Molière, montrent bien quelle était l’opinion du comédien et mieux encore celle de son temps sur les provinciaux. […] Je pourrais prendre l’un après l’autre les différents rôles classiques du provincial : le petit marchand des villes, le gros marchand enrichi, le châtelain ignorant et vaniteux, le châtelain pauvre, le châtelain grand seigneur, les femmes surtout qui se ressemblent presque toutes dans les romans dits provinciaux, mal habillées, sentimentales, courtes d’intelligence, de dévotion étroite, intimidées et hypnotisées à la seule vue d’une Parisienne ; je pourrais prendre ces personnages et montrer que, sauf de bien légères nuances, ils n’ont pas changé en passant de livre en livre, qu’ils sont au fond les mêmes et comme immuables dans la littérature depuis trois siècles. […] Ce n’est pas qu’ils n’aient observé sur place, qu’ils n’aient vécu au milieu de leurs personnages. […] Ils ont donc décrit, admirablement d’ailleurs, des personnages odieux, ridicules ou amusants, ils ont flagellé des imbéciles ou des coquins, ils ont été poètes, et grands poètes si l’on veut, mais ils n’ont rendu qu’un aspect de la province et celui-là justement qui avait le moins besoin qu’on y insistât.

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