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959. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Et tous ces états, les normaux comme les anormaux, résultent d’une disposition physiologique héréditaire à laquelle rien ne peut être changé, si ce n’est dans une petite mesure par des circonstances fortuites, indépendantes absolument de l’individu lui-même : le milieu où il naît, l’éducation qu’il reçoit, la pénétration intellectuelle dont il dispose et qui lui permettra d’intervenir avec plus ou moins de bonheur dans sa physiologie, l’état peut-être de la science médicale contemporaine. […] C’est là ce qui le distingue vraiment de toutes les autres espèces et c’est à cause de cette humeur spéciale qu’il change autour de lui les conditions du milieu auxquelles les autres animaux s’adaptent dans la mesure qu’ils peuvent et dans les limites permises par leur organisme. […] Il n’est pas permis de nos jours de conclure à l’inefficacité absolue de la médecine et il faut accorder, qu’en nombre de cas particuliers, des malades auraient succombé, que l’intervention des médecine a conservés.

960. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

. — Au moins permettez à Charpentier d’introduire dans le texte, quelques dessins… Moreau vous fera une Salomé. […] * * * — J’entendais, l’autre jour, un marchand de vin, d’un ton mi-triomphant, mi-gouailleur, jeter à un cocher, auquel il apportait une consommation sur son siège : « Maintenant, mon vieux, tout est permis, tu peux faire tout ce qui te fait plaisir !  […] On permettait au prince impérial, de les voir sans y toucher, et l’enfant avait un désir fou de les tenir entre ses mains.

961. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

À l’âge où l’esprit est capable de s’observer lui-même, l’intervalle étant généralement réduit à un mininum indiscernable, le signe et l’idée paraissent simultanés ; mais cette simultanéité n’est ni réelle, ni primitive, ni constante ; elle n’est qu’une apparence acquise et plus fréquente que les faits qui permettent de la rectifier ; l’intervalle reparaît de temps à autre dans des faits qui nous révèlent et la nature primitive et la loi véritable des rapports temporels du signe et de l’idée245. […] Les considérations qui précèdent nous permettent de bien comprendre de quelle nature est l’utilité que prêtent à la pensée l’exacte connaissance et le bon emploi des langues. […] La vraie formule d’une idée, celle qui lui permettra de se répandre et de durer, est celle qui associera la destinée du groupe mental nouveau aux destinées de groupes plus simples solidement enracinés dans l’esprit, celle qui rattachera l’idée nouvelle aux habitudes les plus anciennes de l’intelligence comme une conséquence rigoureuse à des principes indiscutés ; chacun des termes de la formule doit donc réveiller une idée élémentaire bien connue, et leur agencement forcer l’esprit à apercevoir entre ces éléments un rapport plus ou moins imprévu ; ce rapport est l’invention même à laquelle il s’agit d’ouvrir les esprits rebelles et d’assurer l’avenir.

962. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

À dater de cette époque, elle mit son âme en état d’approcher tous les huit jours de la communion, et même plus souvent dans les dernières années de sa vie, lorsque sa santé ébranlée lui permettait d’aller à son église, assez distante de celle du Cayla. […] Quand il était fini, si le temps le permettait, elle faisait une promenade pour distraire son père ou quelquefois « une visite au hameau voisin où il y avait un malade à voir, ou quelque affligé à consoler. […] Un mariage qui eût été pour lui, si la mort n’en avait presque troublé la fête, la meilleure occasion de cultiver en paix son génie, paya, en une fois, ses longues souffrances et lui permit de revoir sa sœur.

963. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Tandis que nous écrivons, par une sorte d’instinct théâtral et de tradition, des chapitres qui gravitent tous autour d’une scène principale, un peu comme les actes d’une pièce dramatique ; tandis que nous faisons un livre très un et très serré, destiné à être lu sans arrêt, eux, ils écrivent une sorte de journal intime ; ils superposent les détails, sagement, posément, avec l’amour de l’heure présente qui ne connaît pas l’avenir, sans la même hâte vers le but, et ils songent aux misses qui parcourront vingt pages avant une course à cheval, au chasseur de renard qui revient au logis et qui a besoin d’une petite dose de lecture pour calmer la fièvre de ses veines, au commerçant de la Cité, à l’ouvrier anglais, libres avant le coucher du soleil, et qui prendront le livre et le poseront bientôt sur le coin du dressoir, heureux d’avoir trouvé l’occasion d’une larme ou d’un sourire qui n’étaient pas permis dans le travail du jour. […] Émile Faguet, qui a écrit dans ses Politiques et Moralistes : « La littérature et l’art ne sont populaires qu’à la condition d’être médiocres. » On me permettra d’être d’un avis absolument contraire, et d’en dire les raisons. […] Il est permis d’espérer que cela ne durera pas toujours.

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