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1140. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Le problème est donc plus compliqué qu’on ne pense ; la solution ne peut être obtenue que par le balancement de deux ordres de considérations : d’une part, le but à atteindre ; de l’autre, l’état actuel, un terrain qu’on foule aux pieds. […] En face de ces grands problèmes, les philosophes pensent et attendent ; parmi ceux qui ne sont pas philosophes, les uns nient le problème et prétendent qu’il faut maintenir à tout prix l’état actuel, les autres s’imaginent y satisfaire par des solutions trop simples et trop apparentes. […] Tout autre aura le même sort, si une loi périodique, qui lui serait au fond plus favorable qu’on ne pense, ne vient à temps le délivrer du pouvoir. […] Mais, si on y regarde de près, on voit encore que cette branche morte n’a pas été aussi inutile qu’on le pense.

1141. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Vous ne me reconnaîtriez plus alors, je n’étudierais plus, et ne penserais plus critiquement, je serais un mystique déterminé. […] Je pense souvent à vous, mon bon ami ; vous devez être bien heureux. […] Ceci est, mon ami, une des passes les plus singulières de ma vie ; j’aurais mille peines à le faire comprendre à qui que ce soit ; nul ne l’a, je pense, bien compris. […] Je ne vous ai entretenu jusqu’ici que des faits qui ont concouru à fixer momentanément ma position dans Paris, et je ne vous ai encore rien dit des projets ultérieurs auxquels ces démarches se rattachent ; car vous présumez, je pense, que je n’ai prétendu en tout ceci que me procurer une position transitoire, commode pour la continuation de mes études.

1142. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Il y avait pensé à l’avance. […] Les gens de lettres pensent de même sur la critique littéraire ; ils n’osent pas proposer de la proscrire entièrement, mais leur délicatesse sur cet article est si grande, que, si l’on y avait tout l’égard qu’ils désirent, on réduirait la critique à rien. […] Mais, puisque vous me demandez ce que j’en pense, je ne crois pas que la vie de M. de Lamoignon ait produit des événements assez brillants pour intéresser beaucoup le public. […] S’il pensait ainsi de l’administrateur, à plus forte raison du ministre : « Pour faire un bon ministre, disait-il, l’instruction et la probité ne suffisent pas.

1143. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

La pensée d’ailleurs est juste, et certes, s’il y avait moyen d’établir la proportion entre le degré de liberté qui peut être accordé par les lois et le degré de vertu qu’indiquent les mœurs, on aurait résolu le problème social ; mais les hommes sont peu bons juges dans cet examen d’eux-mêmes, et Saint-Just, tout le premier, commence par se trouver une très grande dose de vertu ; il se pose dès l’abord en sage : N’attendez de moi, dit-il, ni flatterie, ni satire ; j’ai dit ce que j’ai pensé de bonne foi. […] Il pense que Louis XVI peut être jugé, et qu’il ne doit être considéré ni comme roi inviolable ni comme simple citoyen, c’est-à-dire qu’on ne lui doit accorder aucune garantie : L’unique but du Comité (de législation) fut de vous persuader que le roi devait être jugé en simple citoyen ; et moi, je dis que le roi doit être jugé en ennemi, et que nous avons moins à le juger qu’à le combattre. […] Dans un rapport fait à la Convention, le 16 octobre 1793 (le jour même où l’on exécutait Marie-Antoinette), à propos de la prohibition des marchandises étrangères, prohibition qu’il était d’avis d’appliquer aux seules marchandises anglaises, il ajoutait : Votre Comité a pensé que la meilleure représaille envers l’Autriche était de mettre l’échafaud et l’infamie dans sa famille, et d’inviter les soldats de la République à se servir de leurs baïonnettes dans la charge. […] Saint-Just sent très bien de bonne heure qu’il n’y a qu’un gouvernement fort qui puisse porter remède aux désastres de l’anarchie, et en cela il s’élève au-dessus du commun des démagogues : « Lorsqu’un peuple n’a point un gouvernement prospère, c’est un corps délicat pour qui tous les aliments sont mauvais. » Ce gouvernement meilleur et plus ferme, il va le chercher non dans la Convention même où l’on parle trop pour cela (et il est impossible, pense-t-il, que l’on gouverne sans laconisme), mais dans les Comités, en les résumant le plus possible dans la personne de deux ou trois chefs influents, parmi lesquels il se compte.

1144. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Toutefois, si l’on met à part un certain nombre de grands noms, on peut dire qu’en général, l’homme de lettres du xvie  siècle adore l’antiquité, sans la bien comprendre, dédaigne le présent qu’il comprend moins encore, vit seul ou avec ses pareils, lit beaucoup, écrit assez et pense peu. […] Les bénéfices, les pensions royales assurent aux gens de lettres une modeste aisance. […] Quel charme de penser et de sentir à deux ou trois ! […] Désirons, mais sans l’espérer trop vite, que l’artisan puisse réserver chaque jour quelques heures bénies pour lire, pour penser, pour faire son métier d’homme.

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