Nisard la phrase célèbre : « Il y a deux morales », phrase qui dépassait assurément la pensée de M. […] Qu’il y ait « deux morales », il l’avait cru à son heure, le prince aux yeux troubles et aux pensées vagues qui allait faire une des meilleures actions de son règne en élevant au premier rang le professeur du lycée Saint-Louis. […] Évidemment, c’était là une de ses pensées habituelles et chères. […] Il changeait ainsi de besogne, mais non de pensée, et ne quittait point le service de la France. […] Écoutez ces fermes paroles : « … Les plus grands en politique sont ceux qui répondent le mieux à la pensée inconsciente ou réfléchie de leurs concitoyens.
tu n’es plus qu’un souvenir, qu’une pensée fugitive : la feuille qui vole et l’ombre impalpable sont moins atténuées que toi. […] continue-t-il, non, tu ne seras jamais pour ton frère un être éteint et fantastique : souvent présent à ma pensée, tu viens animer ma solitude… Quand une pensée douce vient m’émouvoir, je t’appelle à ma jouissance. […] Souvent tu présides aux pensées qui viennent animer mes rêves avant le sommeil. […] En dehors d’eux, trois systèmes dès lors étaient en présence : le premier visait à régénérer le pouvoir monarchique en changeant la personne du monarque : c’était la secrète pensée du parti d’Orléans. […] En finissant, il n’a pas l’air de croire avec bien de la certitude à la persistance de la pensée au-delà de cette vie : Mes bonnes amies, l’espoir que vous parviendrez à une existence heureuse embellira mes derniers moments, il remplira mon cœur.
Cela est si vrai quant à la pensée et à la langue, que, lorsque les Mémoires de Retz parurent, une des raisons qu’alléguèrent ou que bégayèrent contre leur authenticité quelques esprits méticuleux, c’était la langue même de ces admirables Mémoires, cette touche vive, familière, supérieure et négligée, qui atteste une main de maître et qui choquait ceux qu’elle ne ravissait jamais. […] Maintes fois, il le reconnaît lui-même, il manquait de bon sens dans les déterminations, et il est des circonstances où il se reproche de n’en avoir pas eu un grain ; il était sujet à des éblouissements, à des coups d’imagination dont savent se préserver les hommes de qui la pensée doit guider et gouverner les empires. […] Le second livre des Mémoires de Retz est celui qui nous le montre le plus à son avantage, dans l’élévation de sa pensée politique et dans tous les agréments de ses peintures. […] Quand l’œuvre n’était qu’à moitié chemin et faite seulement d’un côté, comme du temps de Retz, au lendemain de la mort de Richelieu, cet envahissement sans contrôle du pouvoir royal et ministériel était bien du despotisme s’il en fut, et il n’y a rien d’étonnant si, dans l’intervalle de répit qui s’écoula entre Richelieu et Louis XIV, la pensée vint de s’y opposer et d’élever une digue par une sorte de constitution. Ce fut là la première pensée sérieuse d’où sortit la Fronde, pensée qui ne se produisit dans le Parlement qu’à l’occasion de griefs particuliers, et qui, lorsque les troubles éclatèrent, fut bien vite emportée dans le tourbillon des intrigues et des ambitions personnelles, mais que Retz exprime nettement au début, que le Parlement ne consacra pas moins formellement dans sa déclaration du 24 octobre 1648 (une vraie Charte en germe), et qu’il y aurait de la légèreté à méconnaître.
Il en exprime la pensée ; il y met la suite, l’enchaînement, le conseil ; et ce qui fait le beau de son discours, c’est la manière dont il est jeté. […] Ce n’est qu’à partir d’Annibal et des guerres puniques que la pensée de Montesquieu se déploie à l’aise et qu’il trouve toute sa matière. […] Montesquieu accorde trop non seulement en dehors, mais en secret et dans sa propre pensée, au décorum de la nature humaine. […] Prenons L’Esprit des lois pour ce qu’il est, pour une œuvre de pensée et de civilisation. […] » Montesquieu a répondu à toutes deux, quand il a dit dans ses Pensées : « J’aime les maisons où je puis me tirer d’affaire avec mon esprit de tous les jours. » Voilà pour la duchesse de Chaulnes.
Mais j’ai lu trop attentivement ces derniers volumes, et je me suis remis par là trop avant dans le train du récit et dans le procédé de l’historien pour n’en pas dire encore une fois ma pensée et d’une manière directe. […] Quant à ses lieutenants qui vers la fin lui font faute par excès de lassitude et se refusent à ce qu’il attendait d’eux pour une revanche possible encore, mais tardive, l’historien dit très bien ici, par une de ces pensées morales qu’il ne prodigue pas, mais qu’il sait aussi rencontrer : « Les hommes habitués au danger le bravent toutes les fois qu’il le faut, mais à condition qu’il ne soit pas sorti de leur pensée et qu’ils y aient à l’avance disposé leur âme. » Dans la relation qu’il fait des diverses opérations de guerre, l’historien ne manque jamais de noter les points faibles et sujets à la critique. […] Thiers, plein de son objet, et y portant, comme il fait toujours, le courant et le torrent de sa pensée, raconte comment et pourquoi il aime l’histoire, la connaissance complète des faits, leur exposé exact et lumineux, comment un seul point resté douteux l’excite à la recherche et à la découverte, comment une seule erreur qui lui échappe le remplit de confusion. […] Chaque historien a sa glace et aussi son diorama du fond25, ou plutôt glace et diorama ne font qu’un, et il est des historiens, tels que Tacite, chez qui l’expression et la couleur sont tellement inhérentes à la pensée et la pensée tellement inhérente au fait, que l’on ne peut les séparer ni concevoir l’un sans l’autre : ce n’est qu’un tableau.