Pendant que Madame Louise, nommée régente du royaume, montrait de la force et du courage, on peut suivre les pensées de Marguerite dans la série des Lettres qu’elle écrit à son frère, et que M. […] Les contes et nouvelles de la reine de Navarre n’ont rien, comme on le pourrait croire, qui soit tant en désaccord et en contradiction avec sa vie et avec la nature habituelle de ses pensées. […] Telle que je viens de la montrer dans l’ensemble, en fâchant de ne pas forcer les traits et en évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé ; elle a été la digne sœur de François Ier, la digne patronne de la Renaissance, la digne aïeule de Henri IV par la clémence comme par l’enjouement, et, dans l’auréole qui l’entoure, on aime à lui adresser ce couplet que son souvenir appelle et qui se marie bien avec sa pensée : Esprits charmants et légers qui fûtes de tout temps la grâce et l’honneur de la terre de France ; qui avez commencé de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu’on y accueillait quelquefois ; qui étiez l’âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête délicate des châteaux ; qui fleurissiez souvent tout auprès du trône ; qui dissipiez l’ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire, et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers ; qui avez pris bien des formes badines, railleuses, élégantes ou tendres, faciles toujours, et qui n’avez jamais manqué de renaître au moment où l’on vous disait disparus !
Pourtant, vu dans son jour et à sa mesure, Jordan a son prix ; c’est un disciple de La Mothe Le Vayer, de Gabriel Naudé et de ces honnêtes gens qui mêlent des pensées assez libres et nullement pédantesques à des études innocentes. […] On voit poindre sa première pensée d’invasion en Silésie et son désir tout d’abord « de gagner la confiance du public par quelque entreprise hardie et heureuse ». […] Ce jeune roi victorieux, et malgré tout, à cette date, plus philosophe et plus homme de lettres encore qu’autre chose, écrivant ses billets soigneux et attentifs, sa première pensée après la victoire, à un bon et digne bibliophile son ami, qui n’a rien de brillant et qui ne lui est utile que dans l’ordre de l’esprit et des jouissances morales, c’est touchant, c’est honorable pour la nature humaine et pour la nature même des héros.
Le rêve fini, l’insomnie m’a pris, et ma pensée incapable de se rendormir, poussée violemment au dernier roman que nous devions faire : La Fille Élisa, a travaillé, le reste de la nuit, dans l’horrible. […] Ce n’est plus l’hostilité haute ou ironique d’un homme de pensée, sa parole a quelque chose de l’impitoyabilité féroce de la parole d’un ouvrier manuel. […] La pensée de chacun était au jugement de Bazaine.
On sent si bien, aux palpitations de sa pensée, qu’il a poursuivi d’une course haletante tous ces rêves et toutes ces espérances ! […] Alors l’expression s’applique si vigoureusement sur la pensée qu’elle la modèle pour ainsi dire ; et l’image se déroule logiquement jusqu’au bout. […] Champfleury dans la solitude du cabinet. — Il vient de terminer une de ses remarquables Études, — il la relit… mais voilà qu’il se dit en la relisant : « Ne pourrait-on pas reprocher à cette pensée son élévation ?
Donc, comme le vieux Gœthe qui se transforma en marchand de pastilles turc dans son Divan, et nous donna aussi un livre de poésie, — plus dramatique que lyrique aussi et qui est peut-être son chef-d’œuvre, — l’auteur des Fleurs du mal s’est fait scélérat, blasphémateur, impie par la pensée, absolument comme Gœthe s’est fait Turc. […] dans le livre chaque poésie a, de plus que la réussite des détails ou la fortune de la pensée, une valeur très importante d’ensemble et de situation, qu’il ne faut pas lui faire perdre en la détachant. […] , et que cette théorie défend à la Critique honnête de pénétrer jusqu’à la pensée d’un auteur, de lui entrer dans la conscience.