/ 2361
414. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Un habitant du pays de Gex a procès contre son curé : Voltaire dit son mot. […] Il sollicitait, obtenait la suppression des douanes qui affamaient son petit pays de Gex (1776). Voltaire est un journaliste de génie : agir sur l’opinion qui agit sur le pouvoir, dans un pays où le pouvoir est faible et l’opinion forte, c’est tout le système du journalisme contemporain ; et c’est Voltaire qui l’a créé. […] N’ayant pu avoir celui de directeur des haras dans sa province, il obtint d’être père temporel des capucins du pays de Gex. […] On avait le sentiment que tout ce pays n’existait que par lui : avec ses petitesses, ses travers, ses vices même, il pouvait dire qu’il y avait un petit coin de la France où il avait été un autre Turgot.

415. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Il entra vers 1809 comme auditeur au Conseil d’État, et bientôt, comme la plupart des jeunes auditeurs, il devint intendant et administrateur en pays conquis, en Hongrie, en Croatie, dans les Provinces illyriennes. […] Un roi est le maître, en tout temps, et par sa seule volonté, d’abolir le droit public de son pays, d’en substituer un autre, ou de n’en substituer aucun ! […] Les plus belles pages de l’histoire sont consacrées à célébrer ces généreux citoyens qui ont affranchi leur pays. […] Ami sincère et dévoué du régime constitutionnel, aspirant à le voir réellement en vigueur dans notre pays, il ne désespérait pas que ce résultat se pût obtenir régulièrement et sans révolution. […] M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien.

416. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Je visitai d’abord, dit René, les peuples qui ne sont plus : je m’en allai m’asseyant sur les débris de Rome et de la Grèce, pays de forte et d’ingénieuse mémoire… Je méditai sur ces monuments dans tous les accidents et à toutes les heures de la journée. […] Le gouvernement s’adressait à lui pour établir un ordre méthodique de questions à l’usage des autres voyageurs ou des agents qu’il entretenait dans les divers pays. Volney lui-même fut ressaisi du désir des voyages, et dans le courant de l’an III, prévoyant pour la France des secousses nouvelles, il s’embarqua au Havre pour aller visiter les États-Unis d’Amérique, c’est-à-dire ce qu’il y avait de plus opposé en tout aux peuples et aux pays d’Orient. Je le laisse parler lui-même le plus que je peux ; c’est le meilleur moyen de le faire connaître, car on le lit bien peu aujourd’hui : Lorsqu’en 1783, écrit-il, je partais de Marseille, c’était de plein gré, avec cette alacrité, cette confiance en autrui et en soi qu’inspire la jeunesse : je quittais gaiement un pays d’abondance et de paix pour aller vivre dans un pays de barbarie et de misère, sans autre motif que d’employer le temps d’une jeunesse inquiète et active à me procurer des connaissances d’un genre neuf, et à embellir, par elles, le reste de ma vie d’une auréole de considération et d’estime.

417. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

Le livre est un moly qui empêche les hommes de devenir bêtes aux mains des Circé ; mais c’est un lotos, aussi, qui paraît une nourriture si délicieuse qu’il faut user de violence pour nous arracher au pays où il croît, pour nous faire rentrer dans nos vaisseaux et nous obliger à ramer. […] Elle conduit au bonheur, parce qu’elle conduit à la sagesse et elle conduit à la sagesse parce qu’elle en vient et que c’est son pays même, ou naturellement elle aime à mener ses amis.

418. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Nulle époque d’aucun pays ne s’improvisa une âme… Il fut tourmenté de cette inquiétude que suggérait au patriote l’historien. […] À entendre leurs légendes, leurs contes, il semble qu’on a entassé un pays sur l’autre. […] Ensuite affluèrent chez nous les écrivains de pays slaves ou scandinaves, de pays jeunes où il fallait encore que la littérature servit comme une arme ou comme un rude évangile. […] Et c’est ainsi que cet humoriste acquit, en son pays, la situation d’un patriarche. […] Dans son pays, selon la coutume de chez lui, le bon Germain buvait pas mal de bière.

/ 2361