Ce beau pays de France, pour prodiguer de nouvelles moissons, n’a besoin que d’être cultivé un peu à la manière de nos pères : c’est une de ces terres heureuses où règnent ces génies protecteurs des hommes, et ce souffle divin qui, selon Platon, décèle les climats favorables à la vertu162.
Mais il n’en est pas moins que mesurer les distances aide singulièrement à évaluer les hauteurs et, s’il n’est pas mauvais de connaître les prédécesseurs et les contemporains de Corneille pour bien entendre, pour entendre distinctement combien il est nouveau et combien il est grand, à toutes les époques il en est de même, et il faut pousser des reconnaissances dans le pays des médiocres pour revenir aux grands avec une faculté renouvelée d’admiration.
Mais que nous le disions, nous, ici, que nous disions tristement, car c’est une chose fort triste, que l’intelligence de tout un pays est en danger de s’atrophier sous les sensations dont on l’enivre depuis trente années, et que déjà ce qu’il y avait dans cette intelligence de plus charmant, de plus fin et de plus sonore, — l’esprit, ce chant et ce coup de bec du colibri !
Il peut donc se regarder, à juste titre, comme le premier homme de son pays : plus loin, comme un de ces êtres exceptionnels qui traversent l’histoire dans un rayonnement, entourés de l’universelle admiration, consacrés pour la gloire. […] On cause littérature ; on lit en commun les lettres que Mme de La Roche aimait à recevoir et recevait souvent des gens célèbres de divers pays ; on fait d’agréables parties, très gaies, sur les bords de la Moselle ou du Rhin. […] Il y eut une Wertherite générale, dont les pays étrangers essayèrent en vain de se préserver. […] Ce pays était administré par 842 fonctionnaires, et défendu par une armée de 310 soldats. […] Goethe et Schiller, qui sont alors les deux premiers écrivains de leur pays, semblent avoir réuni leurs forces pour en devenir les plus redoutables.
Me voici donc revenu vraiment dans mon pays, au pays des lettres et des sciences, et dans leur acropole, sur la montagne sainte, au milieu de cette jeunesse des écoles dont j’ai fait partie, soit comme élève, soit comme maître, et à laquelle il me semble, malgré tant d’années écoulées, que j’appartiens encore, du moins par les idées et par le cœur. […] Si, par ce procédé, on n’avance pas toujours très vite, on voit cependant beaucoup de pays ; et on serre de près la réalité. […] Il n’est pas défendu d’éclairer un siècle par un autre, ni la littérature de notre pays par celle des pays étrangers. […] Ne restons donc pas enterrés dans notre pays et dans notre temps, comme certains oisifs dans leur province. […] C’était donc un batailleur mercenaire, se mettant indifféremment à la solde des princes chrétiens ou des petits chefs arabes, les combattant ou les servant tour à tour ; appartenant au plus offrant ; fléau des pays par où il passait ; battant, pillant, rançonnant tout le monde, musulmans et chrétiens.