Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles. […] Non seulement la critique littéraire comporte d’autres divisions que celles que j’ai indiquées, mais on ne trouverait point de critique assez rigoureux, disons plutôt assez pauvre, assez incomplet, assez mutilé, pour appartenir exclusivement à l’une ou à l’autre de nos trois grandes écoles.
Il n’est pas possible de dire avec de pauvres mots plus de détresse morale, plus de poignante et d’annihilante souffrance d’être. […] Et les personnages, se figurait-on, vivraient d’une vie différente de celle des autres hommes : leur extase dissiperait nos pauvres, mais si passionnantes psychologies ; et même au théâtre on rêvait un poème brûlant où éclaterait seul le génie du poète des Villes tentaculaires reprenant ses lointaines évocations de Moines… On se trompait.
On n’ignore pas les noms juxtaposés à ceux primitivement cités et qui tels se modulent, éveillant des reflets d’or et de flammes : Desbordes-Valmore, Villiers de l’Isle-Adam, Pauvre Lélian. […] Quant à Pauvre Lélian (Paul Verlaine, pour mieux dire), l’École dont il est le chef l’a mis en pleine lumière et a donné à sa gloire une impulsion telle qu’il est impossible que ce mouvement ne se continue pas, en sa faveur, dans l’Avenir.
Il imagine un peintre qui cessa de peindre pour une raison noble et subtile : la couleur, pense ce pauvre homme, est dans l’univers en quantité limitée ; celle qu’on perd à fabriquer de l’artificiel, on la vole à la nature que nos larcins condamnent à créer une vie plus pâle. […] Il pleure, le pauvre affamé : « Le Post-Scriptum de ma vie forme MALHEUREUSEMENT le dernier volume de prose à publier. » Ailleurs, Claretie cite quelques « livres immortels » et le premier titre qu’il proclame, c’est Bug-Jargal !
Ce courage dans Rotrou lui fait d’autant plus d’honneur, qu’étant pauvre & grand joueur, il avoit besoin des graces de la cour. […] Vous avez traité la pauvre Chimène d’impudique, de prostituée, de parricide, de monstre.