Il fit le tour de la galerie, s’excusant auprès de chaque malade, même du plus pauvre et du plus inconnu. […] Que Virginie est touchante lorsqu’elle va demander à un maître barbare la grâce de la pauvre négresse ! […] J’attache et je greffe mon amour sur ce trésor ; et alors je ne suis plus estropié, pauvre, ni méprisé. […] C’est lui-même qu’il représente captif, pauvre, aveugle, et jouet de ses ennemis. […] Que ceux-là, ceux-là seuls foulent ce parvis sacré qui osent aimer leur patrie et rester pauvres !
Nul n’a contemplé avec une terreur plus religieuse l’obscurité infinie où notre pauvre pensée apparaît un instant comme une lueur, et tout à côté de nous le morne abîme où « la chaude frénésie de la vie » va s’éteindre. […] Voilà la grande particularité, l’incommensurable, — celle qui distingue à un degré effectivement infini le plus pauvre fait historique de toute espèce de fiction quelle qu’elle soit. […] Shakspeare y arrivait par la prodigieuse tension de son rêve poétique, et Carlyle répète sans cesse d’après lui « que nous sommes faits de la même étoffe que nos songes. » Ce monde réel, ces événements si âprement poursuivis, circonscrits et palpés, ne sont pour lui que des apparitions ; cet univers est divin. « Ton pain, tes habits, tout y est miracle, la nature est surnaturelle. » — « Oui, il y a un sens divin, ineffable, plein de splendeur, d’étonnement et de terreur, dans l’être de chaque homme et de chaque chose ; je veux dire la présence de Dieu qui a fait tout homme et toute chose1415. » Délivrons-nous de « ces pauvres enveloppes impies, de ces nomenclatures, de ces ouï-dire scientifiques » qui nous empêchent d’ouvrir les yeux et de voir tel qu’il est le redoutable mystère des choses. « La science athée bavarde misérablement du monde, avec ses classifications, ses expériences, et je ne sais quoi encore, comme si le monde était une misérable chose morte, bonne pour être fourrée en des bouteilles de Leyde et vendue sur des comptoirs. […] Elle n’est point pour lui un drame grandiose, joué sur le théâtre de l’infini, avec les soleils pour lampes et l’éternité pour fond… mais une pauvre insipide dispute de club dévidée dix siècles durant entre l’Encyclopédie et la Sorbonne. […] Ces pauvres gens, boutiquiers et fermiers, croyaient de tout leur cœur à un Dieu sublime et terrible, et ce n’était pas une petite chose pour eux que la façon de l’adorer1460. « Supposez qu’il s’agisse pour vous d’un intérêt vital et infini, que votre âme tout entière, rendue muette par l’excès de son émotion, ne puisse en aucune façon l’exprimer, en sorte qu’elle préfère le silence à toute expression possible, que diriez-vous d’un homme qui s’avancerait pour l’exprimer à votre place au moyen d’une mascarade et à la façon d’un tapissier décorateur ?
Cependant l’esprit du vrai critique, comme l’esprit du vrai poëte, doit être ouvert à toutes les beautés ; avec la même facilité il jouit de la grandeur éblouissante de César triomphant et de la grandeur du pauvre habitant des faubourgs incliné sous le regard de son Dieu. Comme les voilà bien revenues et retrouvées les sensations de rafraîchissement qui habitent les voûtes de l’église catholique, et l’humilité qui jouit d’elle-même, et la confiance du pauvre dans le Dieu juste, et l’espérance du secours, si ce n’est l’oubli des infortunes présentes ! […] Ainsi l’enfant du pauvre, tout embarrassé de sa contenance, goûte, en tremblant, aux confitures célestes. […] Pour tout dire, en un mot, il peint grassement là où tant d’autres étalent platement des couleurs pauvres ; il sait faire grand dans le petit. […] Qu’ils moissonnent, qu’ils sèment, qu’ils fassent paître des vaches, qu’ils tondent des animaux, ils ont toujours l’air de dire : « Pauvres déshérités de ce monde, c’est pourtant nous qui le fécondons !
Le pauvre homme paya cher tant d’esprit et de grâce ; il fut mis à la Bastille, puis exilé dans ses terres, où il passa la plus grande partie de sa vie ; ce fut pour lui une rude pénitence, car il aimait bien la cour. […] Ce pauvre Boursault se fit une réputation d’esprit fort, quoiqu’il fût presque aussi dévot que son fils le théatin. […] Le caractère de Bernadille est mieux soutenu ; il est partout et constamment grossier, brutal, emporté et sot ; ce qui n’empêche pas qu’il ne soit très théâtral, très comique, et d’une vérité frappante ; c’est la pauvre nature humaine toute pure.
Ainsi l’espoir qui renaît au cœur et y fait entendre sa chanson vaillante lui rappelle le pauvre coq que des marins ont embarqué sur leur esquif et dont le chant est d’autant plus doux à entendre que l’on est loin de la terre qu’il rappelle. […] Emprisonné, condamné à mort, le 9 Thermidor l’avait sauvé A partir de 1794, il avait vécu très retiré et obscur dans sa petite terre de Milly dans le Mâconnais, gentilhomme campagnard assez pauvre, avec sa femme, son fils et ses filles. […] N’as-tu point de douceur, dis-moi, pauvre âme veuve, A remuer ici la cendre des jours morts ? […] L’homme se dit que c’est une impiété peut-être d’accuser parce qu’il souffre et de maudire parce qu’il semble maudit (A Villequier, première partie) — mais qu’il faut pourtant qu’on lui pardonne, parce que c’est trop pour sa petitesse qu’un si grand coup du bras infini, et trop pour sa pauvre raison que cet effet étonnant du grand mystère (A Villequier, fin). […] Il a exprimé en très beaux vers les considérations qui suivent : On s’amuse et la mort arrive (Noces et Festins) ; Nous allons tous à la tombe (Soirée en mer) ; Il faut être charitable pour gagner le ciel (Pour les pauvres) ; Le bonheur pour les jeunes filles est dans la vertu (Regard jeté dans une mansarde) ; L’amour n’a qu’un temps, mais on s’en souvient toujours avec plaisir (Tristesse d’Olympio) ; L’art est un sacerdoce (Les Mages) ; Tous les hommes sont mortels (Pleurs dans la nuit — Zim-Zizimi — fragment des Pauvres gens, etc.) ; La mort est une délivrance (La mise en liberté) ; Dieu est démontré par les merveilles du monde (Tout le passé et tout l’avenir dans la Seconde Légende : « Vous n’avez donc jamais regarde la nature… » idées et mouvement imités du Génie du Christianisme, Première partie, V, 1, 2) ; La terre est la mère bienfaisante et douce des hommes (La Terre, hymne, dans la Seconde Légende).