Sa vie si courte fut un peu partout et même en France et en Algérie, et c’est en revenant d’une longue excursion dans cette dernière contrée, qu’il mourut le mois dernier à Toulouse, de l’horrible fièvre typhoïde qui eut raison en douze jours de sa forte constitution. […] L’auteur affecte la plupart du temps cette allure d’un voyage un peu partout dans ses pays aimés, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, un peu de France pittoresque et Paris, fréquemment. […] Varié : impossible de l’être davantage, le plan, tout simple, du livre, sinon son titre d’une abstraction peut-être excessive, en fait foi, et ce sont, bonnement et bellement, des impressions triées sur le volet, de voyage un peu partout. […] Salut tout d’abord de la part d’un Français à ses frères d’armes belges, aux poètes charmants et forts, marchant de pair avec les nôtres, n’en précédant pas, allant parallèlement, ajoutant en outre un goût, une saveur de terroir au riche fond commun, à la langue dite justement française et parlée un peu partout, ici, en Suisse, en Russie — et partout où est la civilisation, même plus loin, puisque non seulement les Canadiens, mais les sauvages canadiens s’en servent sans, dit-on, trop l’estropier. […] D’autre part, nous ne pouvons ignorer quelque abus dans la surabondance qui caractérise son génie souple et subtil, ainsi qu’un mauvais goût qu’il faut imputer à l’auteur lui-même — et non à son époque — un géant ici comme partout ailleurs.
Partout où il est passé, il s’est mis en relation avec les griots, qui forment en quelque sorte la caste littéraire chez les populations du Soudan, et il a collectionné toutes les histoires qu’il a pu se faire conter.
Vénus elle-même est en campagne pour lui briguer des suffrages, et le livre partout célébré est en vente jusque chez les Grâces. […] Duclos, qui est philosophe et qui méprise l’astrologie, dit en deux mots : « L’on prédit, suivant l’usage, beaucoup de choses vagues, et flatteuses pour le prince régnant. » Je n’ai pas grand regret à la suppression du détail de l’horoscope ; mais, comme Duclos appliquera presque partout cette méthode de suppression et retranchera les détails qui peignent le temps, il en résulte à la longue maigreur et sécheresse, tandis que l’abbé Le Grand, qui ne songe qu’à raconter fidèlement et non à peindre, se trouve présenter un récit qui a plus de corps et de substance, et qui est nourri de ces choses particulières que l’esprit aime à saisir. […] L’abbé Le Grand, dans les pages qui terminent, lui a servi de guide comme partout.
Ce que fut, après de telles fatigues et de si longues guerres, après des guerres intestines où l’on s’était vu sur un qui-vive perpétuel et où l’on était presque partout à l’état de frontière, — ce que fut enfin le soulagement et la libre respiration des peuples quand on se sentit tout de bon en paix, en sécurité, sans plus avoir à s’occuper même de Picardie surprise et de siège d’Amiens, il faudrait l’avoir éprouvé pour le dire ; c’est du témoignage des contemporains qu’il le faut entendre. […] Partout on voyait saillir des sources de pleurs ; partout on entendait les cris et les gémissements du peuple : il semblait qu’on l’eût assommé, tant la violence de la douleur l’avait étourdi et éperdu.
Soyez donc contents une bonne fois d’avoir deux gaillards comme nous. » Et cependant la Correspondance si curieuse, si élevée, un peu trop chargée de métaphysique sans doute, mais aussi animée partout des plus nourrissantes pensées, des plus cordiaux sentiments, entre Gœthe et Schiller, n’a pu être traduite encore et publiée chez nous dans son entier ; on se méfie de notre public, on attend qu’il ait témoigné désirer plus vivement la chose : une regrettable lacune subsiste donc entre cette double traduction, d’ailleurs complète et si satisfaisante, des Œuvres de Gœthe et de Schiller ; le pont n’est pas jeté entre elles. […] Partout ailleurs, c’eût été un affreux guêpier de bas-bleus : là, ce n’est qu’un jeu de société assez original et amusant, un passe-temps de dilettanti, qui entretient dans ce cercle l’activité de l’esprit et sauve des commérages. […] Eckermann donne la réplique au maître, ne le contredit jamais, et l’excite seulement à causer dans le sens où il a envie de donner ce jour-là : avec lui, Gœthe cause de lui-même, de la littérature contemporaine en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en France, en Chine, partout ; et après des années d’un commerce intime, il lui rendra ce témoignage qui fait aujourd’hui sa gloire : « Le fidèle Eckart est pour moi d’un grand secours.