Les contemporains, en effet, s’ils ont les avantages de leur position, en ont aussi les inconvénients : s’ils savent quantité de points, ils en ignorent une infinité d’autres ; le détail leur dérobe l’ensemble, les arbres les empêchent de voir la forêt ; de plus, ils sont juges et parties ; ils souffrent, ils combattent, ils succombent ou ils triomphent ; vainqueurs ou vaincus, ils aiment ou ils haïssent : comprendre purement et simplement l’objet de leur enthousiasme ou de leur colère est ce dont ils se soucient le moins. […] Les événements avaient marché plus vite que sa pensée, et son ambition ne faisait, pour ainsi dire, qu’exécuter les arrêts de sa fortune. » Et dans le récit où il a résumé les préliminaires et les causes de la guerre de Russie en 1812, il ne voit dans cette entreprise, de la part de la France, que « le dernier terme de ce vaste système de conquête et de prééminence qui a son point de départ dans le traité de Campo-Formio et qui fut reproduit plus tard dans celui de Lunéville. » Napoléon n’avait point fondé ce système, il l’avait pris à son compte et avait mis son génie et sa gloire à le faire triompher ; la Révolution, devenue toute guerrière, voulait sa revanche sur l’Europe : la partie une fois engagée sur ce pied, de revanche en revanche l’enjeu avait grossi toujours : « Il y a un fait capital, répétait M. […] Il remplit avec un merveilleux génie d’organisation la première partie de sa tâche et ne prit aucun soin de remplir la seconde. […] Je voudrais voir, par ses soins, la partie historique de 1800 jusqu’en 1808 et au-delà, doublée de quelques notes ou appendices où il serait fait usage de la Correspondance de Napoléon : l’œuvre en sortirait plus forte et comme cuirassée.
Dieu me garde de penser qu’elle saisisse les chefs-d’œuvre des grands écrivains surtout par leurs parties inférieures et caduques, et qu’elle n’en sente pas la vraie grandeur et la grâce intime ! […] Par suite, il n’en demeura que la partie la plus étroite, et la plus contestable. […] À la fin du xviiie siècle, en vérité, on se trouve si loin du vrai Boileau et des grands artistes auxquels la haute partie de sa doctrine s’appliquait, que quand nous y rencontrons un classique, mais un pur classique au grand et beau sens du mot, selon l’esprit profond de l’Art poétique, un artiste capable de sentir la nature et de créer la beauté, nous sommes tentés d’en faire un révolutionnaire et le précurseur d’un art nouveau. […] Depuis deux siècles, dans notre littérature, ce qui s’est trouvé sain, solide et durable, ce qui s’est sauvé de l’oubli et de la flétrissure du temps, ce sont les parties conformes au fond à la doctrine de l’Art poétique : et les vices intimes ou les difformités apparentes qui ont fait échouer ou périr les écoles ou les œuvres, c’est en général ce qui était condamné implicitement ou expressément par Boileau.
A la suite de l’histoire, toute l’érudition, toutes les parties de l’archéologie et de la philologie, apportent leur contribution. […] L’histoire elle-même a subi depuis le milieu du siècle les mêmes influences que nous avons retrouvées dans toutes les parties de la littérature : romantique effrénément avec Michelet, elle est devenue objective, c’est-à-dire ou scientifique ou réaliste, souvent les deux à la fois. […] Cette histoire est telle, en ses deux parties, qu’elle est rigoureusement et tout entière déterminée par les solutions des problèmes philologiques. […] Toutes les précautions que ce loyal esprit a prises pour éviter le parti-pris, les vues étroites ou exclusives, pour saisir toutes les parties et manifester tous les aspects de la vérité, ont donné le change aux esprits superficiels ou prévenus : en même temps que notre grossière façon d’entendre l’opposition théorique de la science et de la foi nous faisait mal juger tous ces fins sentiments, ces expansions affectueuses ou enthousiastes, qui se mêlaient sans cesse chez Renan aux affirmations du déterminisme scientifique.
Marc Monnier le savait : la littérature n’est pas une chose morte, un cadavre qu’on puisse disséquer et dont il suffise de classer et de définir les parties. […] Marc Monnier y a si complètement réussi, c’est peut-être, en partie, parce qu’avant d’enseigner la littérature il l’avait pratiquée, et parce qu’il la pratiquait en l’enseignant. […] Sans désespérer de réaliser plus tard la première et la plus difficile partie de ce programme, nous nous en tiendrons, pour le moment, Messieurs, à la seconde. […] Pendant les deux siècles classiques, vous chercheriez en vain des exemples d’une pareille indépendance parmi les écrivains français ou italiens, qui viennent docilement se ranger sous la fécule d’Aristote et accomplissent ce tour de force, merveilleux et inutile, de couler les sentiments de leur époque dans des moules surannés. — Il faut donc que certaines nations, pour des raisons que nous rechercherons peut-être un jour, aient conservé plus profondément que d’autres leur empreinte primitive, et c’est à cette persistance que nous devons en partie notre émancipation actuelle de l’influence antique.
Il ne manque à toutes ces parties si fréquentes chez M. de Lamartine, et qui sont la rencontre et la fortune perpétuelle de sa plume, il ne leur manque, pour paraître vraiment belles, que d’être portées sur une trame solide et bien construite, sur une trame étudiée, travaillée et sévère. […] Raynouard, Cambacérès, Barbé-Marbois, Fontanes, sont peints en passant, et dans tous ces portraits il y a des parties supérieurement traitées, même des détails fins et charmants. […] Voici ce qui en résulte : Pour toute la partie positive et les textes des pièces politiques que d’ordinaire les historiens vont chercher dans les sources mêmes, qu’ils empruntent au Moniteur ou aux diverses publications, et dont ils ne font des extraits qu’après avoir lu le tout, M. de Lamartine s’est contenté de prendre ces extraits purement et simplement, tels qu’ils ont déjà été faits par M. […] La seule partie supérieure des Histoires de M. de Lamartine, et qu’il serait injuste d’y méconnaître au milieu de tout ce qu’on y rencontre d’inexact et de défectueux, c’est le sentiment vif des situations générales, l’esprit en quelque sorte des grandes journées et des foules, cet esprit que le poète encore plus que l’historien embrasse et qu’il recueille en son âme, avec lequel il se mêle et se confond, et dont il excelle à tracer en paroles émues, et comme en ondes vibrantes et sonores, les courants électriques principaux.