Tout s’éclaircit alors : les pensées de Richelieu, dont on n’avait que des lambeaux, se rejoignirent, ses paroles prirent toute leur autorité et leur accent : on reconnut son style, car il en avait un, et un tel homme ne pouvait pas ne pas en avoir. […] Il m’y aidera, si j’ose dire, lui-même, car plus d’une de ses paroles, par lesquelles il juge les autres, peut, en se retournant sur lui, montrer où fut le trop de passion et la dureté. […] À quel point Montesquieu n’était-il pas imbu de l’ancien esprit parlementaire ou de l’idée philosophique moderne, le jour où il lui échappa une telle parole ! […] Le roi lance une déclaration, et, comme les paroles ne signifient rien si elles ne sont fortifiées par les armes, Richelieu lève et organise à la fois trois armées, l’une qui marche en Champagne, l’autre en Berry et en Nivernais, l’autre en l’Île-de-France. […] J’aime à opposer ces paroles de Richelieu, dignes d’une grande âme, à ce qu’il offrira plus tard de cruel et d’impitoyable dans sa propre conduite, et par où il a excédé, à certains jours, les nécessités mêmes de la plus austère politique.
Necker d’avoir tiré de cette grande intelligence les dernières paroles où il salue l’idée du souverain Être et de l’immortalité. […] Il a, sur ce sujet, de l’inégalité moderne comparée à l’antique esclavage, des paroles plus énergiques qu’on ne l’attendrait de lui. […] Necker en matière religieuse, c’est la sincérité parfaite, c’est l’onction, un sentiment profond et persuasif qui passe dans ses paroles, et qui remplace souvent la métaphysique par une morale touchante. […] De telles paroles font estimer celui qui les profère, mais elles agissent peu. […] Plusieurs de ces écrivains, assez doctrinaires d’abord, se sont guéris d’eux-mêmes en continuant d’écrire et en corrigeant leur premier style par l’habitude de la parole.
« Pour moi, dit-il110, ma loi est de m’abstenir de ces âpres morsures, de ces médisantes paroles. […] » Ces paroles, qui rappelaient un ancien désastre, en même temps qu’elles en assignaient la cause, en disent assez sur les jeux de la Grèce. […] Et nous, quoique affligés dans a l’âme, ô Muse aux paroles d’or, délivrés de grandes douleurs, ne restons pas comme abattus et sans couronne ; ne cultive pas en nous la tristesse : cessons des tourments inutiles ; laissons-nous vaincre à quelque plaisir. […] » Entendez-vous l’écho prodigieux de ces paroles sur les parois de marbre et les vases retentissants de l’amphithéâtre, que couronnait le soleil de Marathon et de Salamine ? […] Il vient, pour ainsi dire, faire sa partie dans ce chœur funèbre de son empire ; et il s’associe par la forme et par l’accent de ses paroles aux lamentations dont il est accueilli.
La douleur d’Horace sur la perte d’un ami, son effort pour consoler dans un autre une affliction non moins grande que la sienne, attendrit et charme par la pureté des sentiments et la tristesse mélodieuse des paroles. […] Mais le génie lyrique dans son ardeur, dans sa passion, lui arrivait avec la parole sainte et les prières de l’Église : c’est là qu’il trouvait à la fois le surnaturel et l’enthousiasme. […] Un de ces chants était, dit-on, de saint François lui-même, et n’en est pas indigne par la ferveur de l’émotion dans l’abondance négligée des paroles. […] Parmi les rudes laboureurs et les pâtres des Apennins, il avait été l’Orphée de ces esprits encore sauvages ; et c’était pour eux qu’un de ses disciples chantait, sur un air simple et puissant comme sa parole, ces strophes à peine distinctes de la prose : « Très-haut Seigneur ! […] Toutes les merveilles semées sur la route du poëte, dans son voyage surnaturel, s’effacent devant l’ascension de son âme, qui, regardant les yeux de Béatrix attirée elle-même par l’astre du jour, monte sous cette invincible puissance, et vérifie la parole de l’Écriture : L’amour est plus fort que la mort.
La parole ne sert qu’à rédiger la colère, à fixer en décrets ses premiers mouvements. […] Si les paroles n’ont pas éloquemment instruit du motif des actions, si les actions n’ont pas consacré la vérité des paroles, la mémoire garde un souvenir isolé des paroles et des actions.