/ 3665
597. (1894) Études littéraires : seizième siècle

L’esprit qui parle de plain-pied à l’esprit et quelquefois te cœur qui parle au cœur. […] Rabelais parle. […] Rien ne montre mieux que le style ordinaire de Rabelais est un style parlé, et parlé par un homme qui parlait admirablement quand il ne se surveillait point. […] Dieu a parlé, dans l’Écriture sainte. […] L’art d’écrire et l’art de parler sont deux arts.

598. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Voiture, dont nous parlerons beaucoup dans la suite, s’en prévalait sans contrainte et peut-être sans mesure ; il poussa très loin la familiarité avec eux, quand il eut pris pied à l’hôtel de Rambouillet. M. le Prince disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Je remarque que nous n’avons rien dit encore que de vague et de banal concernant la personne sur qui pèse aujourd’hui le ridicule de la préciosité de mœurs et de langage ; parlons un moment de ses premières années et des premières apparences de son caractère. […] Ménage ne parle de madame de Rambouillet qu’avec respect. […] Segrais, venu plus tard, en parle en ces termes : « Elle était, dit-il, bienfaisante et accueillante, et elle avait l’esprit droit et juste : c’est elle qui a corrigé les méchantes coutumes qu’il y avait avant elle. […] « Elle était, dit Mademoiselle, révérée, adorée ; c’était un modèle d’honnêteté, de savoir, de sagesse, de douceur… La dévotion que j’ai pour elle fait que je me suis un peu écartée de mon sujet ; mais je me suis assurée que je ne déplairai point à mon lecteur en parlant d’une chose si adorable. » On voit par les lettres de Voiture que la marquise de Rambouillet et Julie, sa fille, écrivaient fort simplement ; ce qui autorise à penser qu’elles parlaient de même.

599. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Vous croyez bien qu’à son retour chez lui il trouve à qui parler. […] Il est certain que le roi y allait quelquefois, au grand déplaisir de madame de Montespan, puisqu’en rentrant chez lui il trouvait à qui parler. […] Bourdaloue ne me parlerait point sur ce ton ; vous êtes aujourd’hui mondain, vous ne le serez pas toute jours. […] Elle voulait préparer la société à son absence, et faire dire : Elle est dévote, n’en parlons plus. […] Il en résulte que quand on habitait la grande maison de Vaugirard, c’est-à-dire en 1672, au lieu de la prétendue prévention du roi contre madame Scarron, on voit son inclination bien prononcée pour elle, puisqu’il allait la voir secrètement, qu’il en sortait désespéré, non rebuté ; que même madame de Montespan, dont les accès de jalousie sont des accusations d’intrigue entre le roi et madame Scarron, se défiait de ses visites clandestines, et qu’en rentrant chez elle, le roi trouvait à qui parler.

600. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Homère et Platon, qui parlent des dieux avec tant de sublimité, n’ont rien de semblable à cette naïveté imposante : c’est Dieu qui s’abaisse au langage des hommes, pour leur faire comprendre ses merveilles, mais c’est toujours Dieu. […] Aucun écrivain n’a poussé la tristesse de l’âme au degré où elle a été portée par le saint Arabe, pas même Jérémie, qui peut seul égaler les lamentations aux douleurs, comme parle Bossuet. […] Il n’y a que l’Écriture qui ait jamais parlé ainsi. […] Le style le plus recherché ne peindrait pas la vanité de la vie avec la même force que ce peu de mots : « Il vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères. » Au reste, tout le monde connaît ce passage où Dieu daigne justifier sa puissance devant Job, en confondant la raison de l’homme ; c’est pourquoi nous n’en parlons point ici. […] C’est là que la sublimité des prophètes se change en une tendresse non moins sublime ; c’est là que parle l’amour divin, c’est là que le Verbe s’est réellement fait chair.

601. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Ces milliers de plumes dont nous parlons n’ont-elles pas commencé déjà leur travail de fourmi sur cette grande mémoire ? […] Il ne s’agit plus d’idéal en présence d’une réalité qui parle aussi haut que l’Idéal lui-même, d’une réalité qu’il faudrait étreindre pour l’exprimer, tâche difficile, tant Napoléon est immense ! […] , la critique n’en parlerait pas. […] Pour nous, l’auteur n’est pas seulement un Blackstone français, — qui a la science, le coup d’œil, la raison dernière de telle disposition de loi politique et civile, et qui, contrairement au Blackstone anglais, bref et complet, atteste ainsi le génie de la langue qu’il parle et le génie de la législation qu’il commente, — il est de plus historien sans qu’il y pense et sans qu’il veuille l’être, et voilà pourquoi nous en parlons.

/ 3665