Daudet pour ce digne et honnête professeur et pour tous ses pareils. […] C’est une continuelle invention de style, si audacieuse, si frémissante et si sûre que, les meilleures pages de Goncourt mises à part, on n’en a peut-être pas vu de pareilles depuis Saint-Simon. […] Au contraire, ce qui manque à son roman, je serais presque capable de l’y mettre, et le père Astier-Réhu lui-même saurait nous le dire et nous le développer… Le seul don de l’expression pittoresque, à un pareil degré, me fait passer aisément sur une psychologie peut-être sommaire et sur un certain manque de renanisme… Et puis, je ne sais plus.
Et c’est très-bien raisonné ; et les héritiers voient sans chagrin un pareil emploi de la richesse qu’ils convoitent. […] Convenez du moins que sur cette multitude de têtes dont les allées de nos jardins fourmillent un beau jour, vous n’en trouverez pas une dont un des profils ressemble à l’autre profil, pas une dont un des côtés de la bouche ne diffère sensiblement de l’autre côté, pas une qui vue dans un miroir concave ait un seul point pareil à un autre point. […] Avancer un pareil paradoxe, n’est-ce pas prétendre que ces artistes avoient la connaissance la plus profonde de la beauté, étoient remontés à son vrai modèle idéal, à la ligne de foi avant que d’avoir fait une seule belle chose.
Il est délicat d’insister en pareille matière. […] Il est vrai qu’ils n’agissent ainsi que pour empêcher que pareil don soit fait à quelque autre homme. […] Les six géants et leur mère, —La fanfaronnade, —Hâbleurs bambara, —A la recherche de son pareil, etc.)
On ne sait comment de pareils exemples n’ont point dégoûté à jamais les souverains d’être loués. […] Il est triste qu’un pareil sujet n’ait pas été alors traité par un homme véritablement éloquent, et qui, en prononçant cet éloge funèbre, se proposât un but utile à la nation. En effet, qu’on suppose un orateur doué par la nature de cette magie puissante de la parole, qui a tant d’empire sur les âmes et les remue à son gré ; qu’il paraisse aux yeux de la nation assemblée pour rendre les derniers devoirs à Henri IV ; qu’il ait sous ses yeux le corps de ce malheureux prince ; que peut-être, le poignard, instrument du parricide, soit sur le cercueil et exposé à tous les regards ; que l’orateur alors élève sa voix, pour rappeler aux Français tous les malheurs que depuis cent ans leur ont causés leurs divisions et tous les crimes du fanatisme et de la politique mêlés ensemble ; qu’en commençant par la proscription des Vaudois et les arrêts qui firent consumer dans les flammes vingt-deux villages, et égorger ou brûler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, il leur rappelle ensuite la conspiration d’Amboise, les batailles de Dreux, de Saint-Denis, de Jarnac, de Montcontour, de Coutras ; la nuit de la Saint-Barthélemi, l’assassinat du prince de Condé, l’assassinat de François de Guise, l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, l’assassinat de Henri III ; plus de mille combats ou sièges, où toujours le sang français avait coulé par la main des Français ; le fanatisme et la vengeance faisant périr sur les échafauds ou dans les flammes, ceux qui avaient eu le malheur d’échapper à la guerre ; les meurtres, les empoisonnements, les incendies, les massacres de sang-froid, regardés comme des actions permises ou vertueuses ; les enfants qui n’avaient pas encore vu le jour, arrachés des entrailles palpitantes des mères, pour être écrasés ; qu’il termine enfin cet horrible tableau par l’assassinat de Henri IV, dont le corps sanglant est dans ce moment sous leurs yeux ; qu’alors attestant la religion et l’humanité, il conjure les Français de se réunir, de se regarder comme des concitoyens et des frères ; qu’à la vue de tant de malheurs et de crimes, à la vue de tant de sang versé, il les invite à renoncer à cet esprit de rage, à cette horrible démence qui, pendant un siècle, les a dénaturés, et a fait du peuple le plus doux un peuple de tigres ; que lui-même prononçant un serment à haute voix, il appelle tous les Français pour jurer avec lui sur le corps de Henri IV, sur ses blessures et le reste de son sang, que désormais ils seront unis et oublieront les affreuses querelles qui les divisent ; qu’ensuite, s’adressant à Henri IV même, il fasse, pour ainsi dire, amende honorable à son ombre, au nom de toute la France et de son siècle, et même au nom des siècles suivants, pour cet assassinat, prix si différent de celui que méritaient ses vertus ; qu’il lui annonce les hommages de tous les Français qui naîtront un jour ; qu’en finissant il se prosterne sur sa tombe et la baigne de ses larmes : quelle impression croit-on qu’un pareil discours aurait pu faire sur des milliers d’hommes assemblés, et dans un moment où le spectacle seul du corps de ce prince, sans être aidé de l’éloquence de l’orateur, suffisait pour émouvoir et attendrir ?
Sainte-Beuve Jean Polonius n’est pas un précurseur de Lamartine ; il l’a suivi et peut servir très distinctement à représenter la quantité d’esprits distingués, d’âmes nobles et sensibles qui le rappellent avec pureté dans leurs accents… La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit, a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé ; ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a succédé.