Il ne prétendait point d’ailleurs, en son temps, agir sur les destinées de l’État ni sur l’opinion du public, hors du cercle de ses devoirs et de sa profession. […] L’esprit ainsi délassé, je retourne à ma maison, où, après quelque entretien avec mes livres, ou quelque consultation passée, je vais chercher le sommeil… La juste mesure des opinions et de la charte de Gui Patin est toute dans ces paroles : Ni réformation ni sédition, mais autant de franc-parler que possible ! […] Diafoirus dit en parlant de son fils : « Mais sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang, et autres opinions de même farine. » Les créations comiques de Molière sont immortelles en ce qu’elles ont pied à tout moment dans la réalité.
Il rendait pleine justice à sa merveilleuse intelligence ; « J’ai l’avantage de trouver à Coppet une critique impartiale ; c’est aussi un art de tirer parti de la critique ; souvent je persiste dans mon opinion ; mais Mme de Staël est si libre de préjugés, si claire, que je vois mes tableaux dans son âme comme dans un miroir. » Le Voyage dans le Latium, publié à la fin de 1804, eut du succès, et décida de la rentrée de Bonstetten dans la littérature française. […] Vous vous rappelez le temps (le temps des assignats) où un dîner coûtait dix à vingt mille livres ; il faut, une dose monstrueuse d’éloges ou de critique pour valoir un mot d’autrefois, et bientôt les Fiévée paraîtront des hommes modérés. — On dit souvent du mal de vous (c’est à Mme de Staël qu’il écrit) ; mais un mot de vous-même pèse des volumes de ce que ces gens-là peuvent dire, et les mots ne font pas plus d’effet sur l’opinion qu’on a de vous que les coups des ombres n’en pouvaient faire dans les enfers sur Énée ou sur Hercule. — Je n’ai jamais entendu louer quelqu’un de distingué sans y ajouter de mais. […] Il a trop bonne opinion de moi pour que je ne perde pas à me montrer. […] La force de ce gouvernement reposant sur d’antiques opinions, l’immobilité semble faire partie de sa dignité même.
Si jamais j’en ai le temps, je ferai en leur faveur un livre sur l’importance des opinions délicates 114, ce qui sera un très-beau sujet et très-divertissant, pour peu qu’il soit traité délicatement. » Il raille agréablement le Conseil ecclésiastique, car ce sont encore les gens de sa robe qu’il épargne le moins : « Selon ce que j’entends dire, il n’y a pas un homme de tête dans le Conseil ecclésiastique, pas un homme solidement instruit. […] Il vaut encore mieux cependant que ce qui l’entoure. » Il a conscience dès lors de son incompatibilité, s’il fonde quelque chose, et du rôle qu’il doit tenir et qui ne peut être celui d’auxiliaire et de second : « Si nous faisons un ouvrage périodique, je suis convaincu qu’il faut que nous en soyons absolument les maîtres, et par conséquent les seuls rédacteurs. » On voit donc qu’avec des idées toutes contraires il a déjà le même caractère qu’il conservera jusqu’à la fin : c’est qu’on peut changer ses opinions et les retourner du tout au tout, on ne change pas son caractère. […] Mais l’on conçoit que dans cette extrémité d’opinion, d’anxiété et de fièvre, au premier pas de son noviciat et s’ignorant lui-même, il se soit attaché en 1815 à un homme de Dieu, à un esprit de saint qui se rencontra sur sa route ; il écrivait à la même date (10 août 1815) : « J’ignore encore entièrement ce que je ferai. […] Nocker, De l’Importance des Opinions religieuses.
Le christianisme était devenu pour le bouillant jeune homme une opinion très-probable qu’il défendait dans le monde, qu’il produisait en conversation, mais qui ne gouvernait plus son cœur ni sa vie. […] Il n’en fut donc pas le seul, l’essentiel auteur, et on peut expliquer ainsi, s’il en est besoin, l’espèce de contradiction, d’ailleurs fort légère, qu’on s’est plu à faire remarquer entre certaines opinions énoncées par lui dans la suite, et un ou deux passages du discours préliminaire de ce livre. […] Il ne dit pas le moins du monde, comme le suppose l’auteur d’ailleurs si impartial et si sagace d’une Histoire de la philosophie française contemporaine : « Voilà des personnes dignes de foi, croyez-les ; cependant n’oubliez pas que ni vous ni ces personnes n’avez la faculté de savoir certainement quoi que ce soit. » Mais il dit : « En vous isolant comme Descartes l’a voulu faire, en vous dépouillant, par une supposition chimérique, de toutes vos connaissances acquises pour les reconstruire ensuite plus certainement à l’aide d’un reploiement solitaire sur vous-même, vous vous abusez ; vous vous privez de légitimes et naturels secours ; vous rompez avec la société dont vous êtes membre, avec la tradition dont vous êtes nourri ; vous voulez éluder l’acte de foi qui se retrouve invinciblement à l’origine de la plus simple pensée, vous demandez à votre raison sa propre raison qu’elle ne sait pas ; vous lui demandez de se démontrer elle-même à elle-même, tandis qu’il ne s’agirait que d’y croire préalablement, de la laisser jouer en liberté, de l’appliquer avec toutes ses ressources et son expansion native aux vérités qui la sollicitent, et dans lesquelles, bon gré, mal gré, elle s’inquiète, pour s’y appuyer, du témoignage des autres, de telle sorte qu’il n’y a de véritable repos pour elle et de certitude suprême que lorsque sa propre opinion s’est unie au sentiment universel. » Or, ce sentiment universel, en dehors duquel il n’y a de tout à fait logique que le pyrrhonisme, et de sensé que l’empirisme, existe-t-il, et que dit-il ? […] Les systèmes mitoyens n’ont d’autre effet que de tourner contre lui tout ce qui dans l’État est doué de quelque action… Trouverait-on, quelle que soit d’ailleurs la nature de ses opinions, un homme, un seul homme qui veuille ce qui est, et ne veuille que ce qui est ?
Le parlement avait cassé le testament du grand roi, l’opinion cassait le règne tout entier. […] Par l’esprit, où Frédéric n’était pas loin d’égaler Voltaire ; par le caractère, où il lui est supérieur ; par l’ascendant de la puissance, qui fait que ce qu’un roi pense il le commande, le prince amène peu à peu l’écrivain à toutes ses opinions. […] Voltaire, dans une seconde édition, ne défendit plus le remords qu’à titre d’opinion utile. […] Dans l’opinion des étrangers, c’est notre travers.