Si nous étions sensibles à toutes choses d’une sensibilité distincte, notre être serait d’une impressionnabilité trop grande pour pouvoir conserver son capital d’énergie : nous serions usés, brûlés, consumés en un instant ; il a donc été inévitable, d’un côté, que notre sensibilité s’émoussât et, de l’autre, qu’elle s’aiguisât : de là des ombres et des lumières dans le tableau de la conscience ; de là des lacunes, des trous, des vides apparents entre nos diverses sensations distinctes, comme il y a un vide apparent entre les étoiles brillant dans la nuit. […] C’est donc bien l’intérêt, l’appétit, qui opère la sélection dans les sensations mêmes, qui met en relief les unes et laisse les autres dans l’ombre.
Une ombre peut être trop faible pour être perçue : cependant, dès qu’elle se meut, nous la voyons. Schneider a montré que l’ombre en mouvement peut être remarquée même quand elle a une intensité dix fois moindre que l’intensité qui lui serait nécessaire pour être vue au repos.
Là des peuples taris ont laissé leurs lits vides ; Là d’empires poudreux les sillons sont couverts ; Là, comme un stylet d’or, l’ombre des pyramides Mesure l’heure morte à des sables livides Sur le cadran nu des déserts ? […] « Pleurez donc ce grand capitaine, et dites en gémissant : Voilà celui qui nous menait dans les hasards ; sous lui se sont formés tant de renommés capitaines que ses exemples ont élevés aux premiers honneurs de la guerre : son ombre eût pu encore gagner des batailles ; et voilà que, dans son silence, son nom même nous anime, et ensemble il nous avertit que, pour trouver à la mort quelque reste de nos travaux et n’arriver pas sans ressources à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel.
Mais il n’est plus qu’une ombre, un reflet de lui-même, sans corps qui le soutienne, et d’où la couleur, d’où la vie se retirent insensiblement. […] Littérature d’édification, ou d’enseignement même, si les Miracles et les Mystères sont nés à l’ombre du sanctuaire, c’est qu’ils n’ont d’abord été qu’un prolongement du culte, à vrai dire ; et de cette origine, il en subsistera quelque chose jusque dans les représentations des Confrères de la Passion.
Il n’appartient pas au christianisme dès le berceau ; il n’est pas né du mariage d’un sectaire chrétien, devenu plus tard orthodoxe et pontife, et élevant son jeune fils sous l’aile d’une mère honorée comme sainte, à l’ombre d’une église qu’il gouverna quarante ans. […] Tu l’as retiré des ombres de la mort, par pitié pour ton suppliant, ô mon Père !