Valmore père et fils61 m’ont permis de jeter les yeux sur le trésor domestique tout intime, qu’ils ont pieusement conservé et mis en ordre, des papiers, notes et correspondance de cet autre tendre et passionné poète, Mme Desbordes-Valmore, qui unissait une délicatesse morale si exquise à un don de chanter si pénétrant, ou plutôt chez qui cette sensibilité et ce don ne faisaient qu’un. […] Elle avait des accents touchants, sympathiques ; Elleviou, Martin, Gavaudan, venus à son début pour l’entendre, avaient des pleurs dans les yeux. […] Il y eut cette fois accueil sérieux, attentif, studieux, de l’enthousiasme même : miss Smithson, entre autres, ravissait tous les cœurs, et cette noble intelligence de Berlioz, qui vient de disparaître, soudainement frappée alors comme Roméo, voyait se réaliser devant ses yeux le premier objet de son idéal, la beauté véritable. […] On conçoit que, sous l’impression que laissent de pareils élans, Michelet ait pu lui écrire un jour : « Le sublime est votre nature… » ; et qu’ayant sous les yeux son dernier recueil, il ait écrit à son fils (25 décembre 1859) : « Mon cœur est plein d’elle. […] Talent passable, mais de grands yeux orientaux, un grand éclat, des traits réguliers, fort séduisante.
Pendant longtemps il est resté engourdi ; il manque même d’instinct732 ; machinalement et sans lever les yeux, il tire sa charrue héréditaire. […] J’en ai vu plusieurs rédactions dans les pamphlets du temps, dans les gravures secrètes, dans les estampes et dans les enluminures populaires, celles-ci les plus efficaces de toutes, car elles parlent aux yeux. […] Gens sans aveu, réfractaires de tout genre, gibier de justice ou de police, besaciers, porte-bâtons, rogneux, teigneux, hâves et farouches, ils sont engendrés par les abus du système, et, sur chaque plaie sociale, ils pullulent comme une vermine Quatre cents lieues de capitaineries gardées et la sécurité du gibier innombrable qui broute les récoltes sous les yeux du propriétaire, provoquent au braconnage des milliers d’hommes d’autant plus dangereux qu’ils bravent des lois terribles et sont armés. […] Terray, chassant sur sa terre avec deux officiers, rencontre sept braconniers qui tirent sur le gibier à leurs yeux et bientôt tirent sur eux-mêmes : M. […] Cent victimes expirent par an sous les roues des voitures. » — « Un pauvre enfant, dit Arthur Young, a été écrasé sous nos yeux et plusieurs fois j’ai été couvert de la tête aux pieds par l’eau du ruisseau.
Beaucoup d’écrivains de notre temps se sont épris des arts plastiques ; plusieurs se sont fait des yeux de peintres et par là ils ont mieux joui de l’immense Cybèle. Il s’est trouvé des gens (et j’en connais plus d’un) qui l’ont adorée comme une maîtresse et comme une divinité, passionnément et dévotement ; des fanatiques pour qui le meilleur plaisir ou même le plaisir unique a été le spectacle de la vie de la terre, de ses formes, de ses couleurs, de ses métamorphoses ; des initiés capables de passer une journée au bord de l’eau pour voir l’eau couler, ou sous les bois pour respirer la fraîcheur féconde, pour entendre le bruissement des feuilles et la palpitation des germes et pour boire des yeux toutes les nuances du vert ; capables d’y passer même la nuit pour y surprendre des effets de lune, pour assister à des mystères, pour s’enchanter de la féerie qui se lève dans les taillis aux heurts crépusculaires. […] Le magistrat a l’œil lucide et le goût de l’exactitude minutieuse. […] En général, l’œil de M. de Glouvet décompose, mais ne résume pas : il nous laisse faire ce travail et se contente de nous le rendre facile. […] On dirait qu’ils sont à peine sortis de la matrice universelle, à peine dégagés de la boue féconde des antiques déluges, et que leurs yeux viennent à peine de s’ouvrir sur le monde, tant ils y sentent d’inconnu et tant leurs idées sont simples et leurs sentiments abrupts.
Autant vaudrait reprendre l’éternelle et vaine discussion sur les yeux noirs et les yeux bleus, sur la beauté brune et la beauté blonde ! […] On s’accordera, je pense, à reconnaître qu’une description de Théophile Gautier est saisissante pour les yeux ; que la Nuit d’Octobre est émouvante ; qu’un roman de Voltaire fait penser ; que le Qu’il mourût du vieil Horace est d’une héroïque vigueur ; que le Corbeau d’Edgar Poe emporte l’imagination bien au-delà du monde réel. […] Je voudrais surtout que sous le voile de la fable il laissât entrevoir aux yeux exercés quelque vérité fine qui échappe au vulgaire. » Qu’est-ce à dire, sinon que les ordres inférieurs de beauté sont la base et par suite la condition d’existence des ordres supérieurs ; que la beauté morale et la beauté idéale sont le couronnement d’un édifice qui peut se passer d’elles, mais dont elles ne peuvent point se passer ? […] Il ne suffit pas, pour étudier les infiniment petits, d’avoir de bons yeux et un bon microscope à sa disposition ; il faut avoir appris à s’en servir.
Muettes d’effroi, sans doute, durant le trajet, groupées à la poupe, l’œil hagard et fixe vers les nefs de proie qui couraient sur elles, leur cœur oppressé éclate en touchant la plage. […] Il sent sur lui l’œil de « Zeus protecteur, l’épouvante suprême des mortels » ; il sait quels châtiments redoutables tombent sur les foyers inhumains. — « Certes, je ne dois point vous livrer, puisque vous vous êtes assises à l’autel des dieux. […] Elle approche, elle croît à vue d’œil ; il distingue déjà ses mariniers noirs, ceints de pagnes blancs. Il voit aussi, sans doute, le grand œil osirien cerné d’antimoine, qui s’ouvre au bec de la proue, comme la prunelle ronde d’un oiseau de proie. […] Va maintenant, ôte-toi de mes yeux !