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509. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

La différence du culte interdit au marquis de Torregiani d’élever, à celle qui avait disparu de ses yeux, un monument dans le cimetière juif où il pût aller pleurer sur sa cendre. […] Le souvenir de son second époux, le poète Alfieri, l’illustrait davantage encore que le premier, à mes yeux. […] Fuyant de vague en vague, Harold, avec tristesse, Voit sous les flots brillants la rive qui s’abaisse ; Bientôt son œil confond l’océan et les cieux ; Et ces borda immortels, disparus à ses yeux, Semblant s’évanouir en de vagues nuages, Comme un nom qui se perd dans le lointain des âges. […] Mes yeux désenchantés te perdent pour jamais ! […] Le grand-duc ferma les yeux.

510. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

C’est vouloir regarder les astres à l’œil nu quand on peut faire usage d’un télescope. […] Silvestre de Sacy est à mes yeux le type du savant orthodoxe. […] Cette irrévéren-cieuse puissance, portant sur toute chose un œil ferme et scrutateur, est, par son essence même, coupable de lèse-majesté divine et humaine. […] Puis ce sont ces écrits tenus pour sacrés qui deviennent aux yeux d’une ingénieuse et fine exégèse la plus curieuse littérature. […] La vérité n’est aux yeux du penseur qu’une forme plus ou moins avancée, mais toujours incomplète ou du moins susceptible du perfectionnement.

511. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Mais un badinage épistolaire un peu trop hardi contre le cardinal, à propos de la paix des Pyrénées, fut envenimé aux yeux du roi par Colbert, infiniment moins spirituel et par conséquent infiniment moins tolérant que le cardinal italien ; ce badinage fut travesti en crime d’État. […] Mais de là aussi une incrédulité impie à l’amour vertueux, une ironie habituelle contre l’amour fidèle, une moquerie de l’amour de l’âme, un culte à l’amour des yeux, et enfin un abandon sans résistance à l’amour capricieux et volage de l’instinct qui est à la fois la profanation et la vengeance de ce qu’il y a de plus divin dans le calice où l’homme boit ses délices et ses larmes. […] Nous disons bayadère dans le sens pur et pieux du mot, une cariatide vivante des temples de la divinité dans les Indes, l’ivresse de l’oreille et des yeux dévoilée aux hommes pour enlever l’âme au ciel par les regards et par la voix ! […] C’était la beauté métaphysique n’empruntant à la matière que juste assez de forme pour être perceptible aux yeux d’ici-bas. […] La république a surgi sous tes pieds, et tu n’as pas fait un geste pour la modérer et pour l’asseoir sur ta propre souveraineté, comme si tu t’étais sentie indigne de ce règne de la raison et de l’énergie civiles que le hasard t’offrait pour te relever à tes propres yeux et aux yeux du monde.

512. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Il vient un jour où tous ces liens, on les brise, mais le cœur saigne, et les yeux les plus stoïques se mouillent de larmes. […] Gandar et About, c’est à mes yeux l’École normale dans ses produits les plus distingués et les plus différents, les plus inverses, et lui faisant grand honneur tous les deux. […] Mais j’ai beau tourner mes yeux vers le soleil, c’est dans les brumes de Caen que je lis Dante, et sans autre espoir que celui d’aller lire Shakespeare dans les brumes de Londres. […] Tu penses si j’étais attentif de tous mes yeux, de toutes mes oreilles ! […] J’ai sous les yeux une dernière lettre de lui à M. 

513. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Elle était enfermée dans une sorte de substance cornée taillée en une infinité de petites facettes ou miroirs, lesquels étaient imperceptibles à l’œil nu ; de telle sorte que l’âme, s’il y en avait une là, avait dû passer tout son temps à contempler ses propres beautés. […] Nous ne trouvâmes rien de remarquable dans l’œil, sinon que les musculi amatorii, ou, comme on peut traduire, les muscles qui lorgnent, étaient fort diminués et altérés par l’usage, tandis que l’élévateur, c’est-à-dire le muscle qui tourne l’œil vers le ciel, ne paraissait pas avoir du tout servi. » Ces détails anatomiques, qui nous dégoûteraient, amusent un esprit positif ; la crudité n’est pour lui que de l’exactitude ; habitué aux images précises, il ne trouve point de mauvaise odeur dans le style médical. […] On sent qu’il se plaît dans ce monde magnifique et fantastique ; c’est une sorte d’opéra qu’il se donne ; ses yeux ont besoin de contempler des couleurs. […] D’autres avaient les yeux vers le ciel, dans une attitude pensive, et au milieu de leur contemplation trébuchaient, et on ne les revoyait plus. […] Je regardai, et mes yeux qu’il avait fortifiés virent que la vallée s’ouvrait à son extrémité et s’étendait en un océan immense où s’allongeait un roc énorme de diamant qui la divisait en deux parts.

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