/ 2296
272. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

… Alors, on me laissait errer, dans l’appartement, sans plus s’occuper de moi. […] Il n’occupait, avec ses filles, que ce premier et unique étage, composé de quatre pièces et d’une cuisine. […] Tante Lili aimait mieux coudre et s’occuper du ménage. […] Il avait bien le temps de s’occuper d’une schabraque comme moi ! […] Le quatrième côté était occupé par les parents, assis sur des banquettes ou sur des chaises et formant public.

273. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Walter Scott est si peu occupé d’une régénération sociale, qu’il est bien plutôt tory que whig ; et cependant quelle immense influence ses écrits n’ont-ils pas eue sur toute la littérature européenne depuis quinze ans ? […] Loin donc que le siècle, quand on le considère dans ses artistes, paraisse dévoré de tristesse et de spleen, on le dirait au contraire soutenu doucement par la religion du Christ, tandis que ses yeux se promènent avec délices sur les tableaux du passé ou sur les scènes de la nature que ses romanciers sont continuellement occupés à lui peindre, et qu’à ses oreilles résonne la délicieuse et enivrante musique de Rossini. […] Jamais homme d’un génie égal au leur, mais ému par les profondes secousses de notre France, de notre Europe, n’aurait pu avoir la patience de peindre pour peindre, sans beaucoup de lyrisme au fond du cœur, comme Scott, avec une froide et étonnante impartialité ; ou, comme Cooper, avec une mélancolie assez vague, une pensée sociale incertaine et douteuse, et seulement le sentiment vif et profond de la nature extérieure : un tel homme n’aurait pu s’intéresser, comme eux, à ces mille petites nuances qui les intéressent ; et, tourmenté par les rudes problèmes qui occupent l’Humanité de notre âge, il lui eût été impossible de relever curieusement les moindres accidents de jour, de lumière, de paysages, de costumes. […] Nous pouvons prendre un plaisir infini à leurs ouvrages, comme nous en prenons à la lecture d’un drame indien, de Sacontala, par exemple, et même ils ont avec nous un rapport de parenté que n’aurait pas le drame indien ; mais ils ne peuvent faire autorité dans la question qui nous occupe. […] Mais c’est de leur œuvre passée que nous nous occupons aujourd’hui ; c’est elle que nous voulons caractériser.

274. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère. […] Cependant une grande révolution allait s’opérer dans sa vie ; on en saisit une trace et un indice dans une de ses lettres de 1685 à Mme de Brinon : « Saint-Cyr et Noisy m’occupent fort ; mais, grâce à Dieu, je me porte fort bien, quoique j’aie de grandes agitations depuis quelque temps. » Ces agitations se rapportaient sans doute à la résolution du roi de l’épouser et au mariage secret qui se fit vers cette époque. […] C’est pendant sa maladie et sa convalescence en 1686, que le roi entre de plus en plus dans l’idée de Saint-Cyr, qu’il la prend à cœur, l’adopte tout entière et se l’approprie magnifiquement : Dieu sait, écrivait Mme de Maintenon en octobre 1686 à l’une des dames de Saint-Louis, Dieu sait que je n’ai jamais pensé à faire un aussi grand établissement que le vôtre, et que je n’avais point d’autres vues que de m’occuper de quelques bonnes œuvres pendant ma vie, ne me croyant point obligée à rien de plus, et ne trouvant que trop de maisons religieuses ; moins j’ai eu de part à ce dessein et plus j’y reconnais la volonté de Dieu, ce qui me le fait beaucoup plus aimer que si c’était mon ouvrage : il a conduit le roi à cette fondation, comme vous l’avez su, lui qui, de son côté, ne veut plus souffrir de nouveaux, établissements.

275. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Bon nombre d’archevêques et de prélats de cour eussent été d’avis, et pour aller plus vite et pour ne se brouiller avec personne, de ne s’occuper dans cette réunion que des affaires temporelles du Clergé, de ses comptes et de son budget, comme nous dirions. Telle n’est pas la doctrine de Bossuet, qui remontre dès le premier jour à l’Assemblée qu’elle a tout pouvoir de s’occuper des questions de doctrine, et qu’il est séant qu’elle le fasse ; que c’est l’usage, la tradition constante, « et que jamais les évêques ne se sont trouvés réunis pour quelque sujet que ce fût, pour la conservation des églises, pour le sacre des évêques leurs confrères, ou dans tout autre cas, qu’ils n’en aient pris occasion de traiter des affaires spirituelles de leur ministère, suivant les occurrences et les besoins présents », L’Assemblée, dès ce moment où Bossuet a parlé, et sous l’impression de cette grave remontrance, se trouve conduite, bon gré mal gré, à faire acte de concile, et tous les évêques, même ceux qui diffèrent avec lui d’opinion, lui accordent la louange d’avoir parlé comme un apôtre et un Père de l’Église. […] Les travaux critiques de Richard Simon sur l’Ancien et le Nouveau Testament, ses interprétations tout historiques et hardies sous forme littérale, et les explications philosophiques qui y étaient en germe, lui firent surtout pousser le cri d’alarme et l’occupèrent durant toutes ses dernières années : il travailla jusqu’au dernier moment à le réfuter, à le faire condamner, à faire supprimer ses livres par l’autorité ecclésiastique et séculière.

276. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Son plan est bien conçu : il veut séparer les Autrichiens des Sardes ; tenant ceux-ci en échec par la division Serrurier, il attaquera les Autrichiens de front aux environs de Loano, sur le littoral, par la division Augereau, tandis que, dans l’entre-deux, Masséna, chargé d’occuper et de couronner les cimes des Apennins, devancera l’ennemi par les hauteurs, aux défilés où il aura à passer en se retirant. […] Cependant il faut servir… Entre Arcole et Rivoli (toujours dans ses lettres à son père) : Vous ne me croyez occupé que de gloire : vous vous trompez ô mon père ; je ne soupire qu’après le repos. […] Cinq mois après (19 mars 1796), Joubert écrivait de Finale, dans la rivière de Gênes : Le gouvernement, tout occupé du Rhin, nous laisse sans argent, à la merci des fripons qui nous administrent.

/ 2296