Le poète, très distingué lui aussi, des Fumerolles, l’enragé chercheur du Rythme poétique où l’on retrouve avec plaisir toute la saveur des Modestes Observations sur l’art de rimer de Clair Tisseur, M. de Souza nous envoie cette savante consultation : Cher Monsieur, Vous me demandez mon opinion sur l’Évolution poétique, sans plus. […] Il y arrivera bien moins par la recherche de vocables inusités et de tournures bizarres — souvent en opposition avec le génie de la langue — que par la scrupuleuse observation de ses seules émotions.
On pourrait donc altérer arbitrairement la division que nous avons adoptée d’après le texte anglais ; peut-être, d’après cette observation de Johnson, Letourneur s’était-il cru autorisé à renvoyer deux ou trois scènes à la fin, comme oiseuses ou trop longues ; nous les avons scrupuleusement rétablies. […] Johnson observe que le style de Shakspeare, dans Troïlus et Cressida, est plus correct que dans la plupart de ses pièces ; on doit y remarquer aussi une foule d’observations politiques et morales, cachet d’un génie supérieur. […] Shakspeare pourrait, à peu de frais, amasser contre les rebelles des trésors d’indignation qui soulèveraient tous les cœurs en faveur du souverain légitime : mais un des principaux caractères du génie de Shakspeare, c’est une vérité, on peut dire une fidélité d’observation qui reproduit la nature comme elle est, et le temps comme il se présente : celui-là ne lui offrait ni héros supérieurs à leur fortune, ni victimes innocentes, ni dévouements héroïques, ni passions imposantes ; il n’y trouvait que la force même des caractères employée au service des intérêts qui les rabaissent, la perfidie considérée comme moyen de conduite, la trahison presque justifiée par le principe dominant de l’intérêt personnel, la désertion presque légitimée par la considération du péril que l’on courrait à demeurer fidèle ; c’est aussi là tout ce qu’il a peint. […] Il est certain que ni Shakspeare ni son siècle, où régnait une princesse qui parlait latin, ne s’en doutaient ; ils croyaient pouvoir concilier cette poésie contre nature avec une passion véritable pour les auteurs de l’antiquité; dans le Trésor de l’Esprit (Wit’s treasure), publié en 1598, on trouve l’observation suivante « De même que l’âme d’Euphorbe vivait, croyait-on, dans Pythagore, l’âme ingénieuse et tendre d’Ovide vit dans Shakspeare à la langue de miel ; témoin Vénus et Adonis, Lucrèce, etc., etc. » Le sujet de Vénus et Adonis fut probablement suggéré à Shakspeare par la description que fait Spencer des tapisseries d’un château, dans la Reine des Fées, chant III, ou par le court poëme d’Henri Constable, intitulé le Chant pastoral de Vénus et Adonis; Shakspeare n’a pas suivi l’histoire mythologique de Spencer, il a mieux aimé rendre Adonis insensible aux charmes de la beauté, il est même dédaigneux.
Il faut voir avec quelle force d’observation et de logique Pascal réduit à la fantaisie, au préjugé, à l’habitude, toute l’œuvre de l’esprit humain, hors de lui et en lui-même.
Ses discours sur le poème dramatique, les jugements qu’il fit de ses pièces sont remplis d’observations délicates et profondes sur toutes les parties de ce grand art.
La morale reçue, admise à chaque époque, celle en dehors de laquelle les autres conceptions aventureuses de la conduite passent pour des immoralités, cette morale-là supposerait une observation, un classement des tendances, de leurs effets, de leur valeur qui ne peuvent être achevés qu’au moment où ces tendances vont être remplacées, partiellement, par d’autres.