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550. (1761) Apologie de l’étude

Ces traits m’ont fait des ennemis cruels de ceux qui en étaient l’objet. […] Vos regards allaient se perdre sur des objets placés trop loin de vous : ramenez-les sur tant de merveilles qui vous environnent, et que vous n’avez pas voulu voir ; et l’esprit humain vous étonnera également par son étendue et par ses bornes. […] Sans doute elle ne dit pas toujours la vérité ; mais elle ne la dit encore que trop pour le principal objet que vous deviez vous proposer dans cette lecture, celui de connaître les hommes.

551. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Leurs hauts faits d’armes devenoient bientôt le sujet des conversations publiques & particulières, & l’objet des poëmes & des chansons que chantoient les Dames & les Demoiselles, accompagnées du son des instrumens. […] Abstraction faite des sujets qu’ils choisissoient, & qui doivent être l’objet, plutôt de nos méditations & de notre respect, que de notre amusement, ils saisissoient le vrai but de la Tragédie, qui est de toucher, d’émouvoir & d’intéresser. […] La simplicité des mœurs, une dévotion peu éclairée, les objets de notre vénération mis en action sous les yeux, tout concouroit à porter dans l’ame la plus vive impression & le plus grand intérêt. […] Telle est l’inconstance de l’esprit à la mode ; tout frivole qu’il est, il se lasse bientôt de la frivolité même, & cherche à renouveler sans cesse les objets de son amusement. […] Sa manière de voir, différente en tout de celle de Molière, ne lui présentoit jamais les objets du côté comique ou plaisant.

552. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

En effet, Jean-Paul a démontré qu’elle n’est pas le contraire de la tragédie ; et, quant à la considérer avec lui comme le contraire de l’épopée, cela m’est impossible, puisque Thersite est une caricature, l’épisode du Cyclope une scène comique, et la mésaventure de Mars et de Vénus un objet capable d’exciter le rire inextinguible non seulement des dieux, mais des hommes. […] Aujourd’hui elle admire, elle aime les objets de ses colères d’autrefois, et, avec la même prétention absolue, elle entend que l’humanité entière partage son culte pour eux309. […] Et, d’autre part, quand des œuvres laides à ses yeux, laides poétiquement, laides moralement, sont l’objet de l’admiration du genre humain, Uranie sait qu’elle doit dompter son goût ou son dégoût, parce qu’il est impossible que le sens moral et poétique de l’humanité s’abuse au point d’admirer quelque chose où rien ne serait admirable. […] Pour décider si une chose est belle ou ne l’est pas, nous n’en rapportons pas la représentation à son objet au moyen de l’entendement et en vue d’une connaissance, mais au sujet et au sentiment du plaisir ou de la peine, au moyen de l’imagination. […] Si quelqu’un ne trouve pas beau un poème que mille suffrages vantent, il pourra commencer à douter s’il a suffisamment cultivé son goût pour la connaissance d’un nombre suffisant d’objets d’une certaine espèce.

553. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Elle prend une toile chez le tisserand, elle prend une conception dans sa pensée, elle broie des couleurs sur une palette, elle trempe un pinceau dans les mille teintes de cette palette, et elle transporte, sur sa toile d’abord, le dessin des contours extérieurs des objets, hommes ou paysages, qu’elle a d’abord délinéés dans sa propre imagination ; puis elle colorie, en imitant les artifices et les effets d’optique qu’elle a étudiés dans la nature, les objets qu’elle veut produire ou reproduire aux yeux. […] VII Le beau est donc l’objet poursuivi par le peintre, soit dans la figure, soit dans le paysage. […] Tout art véritable a pour objet le beau ; celui qui en approche le plus dans les actes est le héros, le saint, le martyr ; celui qui en approche le plus dans l’éloquence ou dans la poésie est le maître de la raison, du cœur ou de l’imagination des hommes ; celui qui en approche le plus dans la langue des sons est le sublime musicien ; celui qui en approche le plus dans la langue des formes et des couleurs est le plus grand peintre ou le plus grand sculpteur. […] J’y trouvai l’étranger déguisé dont je cherchais depuis plusieurs jours la trace ; je passai le reste de la soirée à m’entretenir avec lui de l’objet de notre entrevue, tout en nous égarant de meules de foin en meules de foin sur les pentes veloutées des collines prochaines. […] Il eut le vertige de l’Italie ; il conçut une peinture nouvelle, tout imprégnée de la pureté des lignes des horizons romains, de la beauté des têtes transtévérines, de la mâle sévérité des attitudes de ce peuple-roi, dont la majesté se révèle dans le pasteur des Abruzzes comme un diadème égaré des palais et retrouvé dans les cabanes, enfin de cette lumière de fournaise ardente qui se vaporise en touchant la terre et qui immerge toute la nature dans un océan de clartés, doublant les objets par les ombres crues qu’elle projette sur leur face obscure.

554. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Soit mauvaise humeur, soit reste de superstition, la critique scientifique et littéraire a quelque peine à envisager comme ses objets propres les œuvres qui ont ainsi été séquestrées du profane et du naturel, c’est-à-dire de ce qui est ; et pourtant est-ce la faute de ces œuvres ? […] Longtemps encore après que les modernes se furent créé des moyens d’observation plus parfaits, il resta de nombreuses causes d’aberration, qui défaçonnaient et altéraient de couleurs étrangères les contours des objets. […] L’islamisme est certes bien connu des arabisants : nulle religion ne se laisse toucher d’aussi près, et pourtant, dans les livres vulgaires, l’islamisme est encore l’objet des fables les plus absurdes et des appréciations les plus fausses. […] Pleines de vie et de vérité pour les peuples qui les ont créées, elles ne sont pour nous qu’un objet d’analyse et de dissection. […] L’admiration, pour n’être point vaine et sans objet, doit donc être historique, c’est-à-dire érudite.

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