Mais il y a dans ce discours une autre idée toute pratique, et qui mérite qu’on la mette en vue et en saillie ; c’est ce que j’appellerai l’idée de centralisation historique provinciale : réunir dans un seul et même local tout ce qui se rapporte à l’histoire de la province sous forme graphique, c’est-à-dire tout ce qui est écrit ou tout ce qui peut se dessiner ; et pour être plus précis, j’emprunterai les termes de M. de Persigny lui-même : « fonder une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations ; par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le pays ; une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des compatriotes ; un recueil des sceaux et médailles de la province, ou fac-similé de ces objets ; une collection de cartes géographiques et topographiques du pays, de plans, dessins, vues, portraits des grands hommes ; des albums photographiques pour la reproduction des monuments archéologiques ; un cabinet de titres, chartes, actes authentiques, originaux ou copiés, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser la province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger. » Voilà l’idée dans son originalité, et elle peut trouver son application ailleurs.
Il en est de même du style ; il faut toujours qu’il ait de la noblesse dans les objets sérieux.
Sur l’objet de ce livre, et l’usage qu’il en faut faire, je ne puis que répéter ce que je disais dans la précédente édition.
Il y a, dans la langue française, dans celle que parlent les trois quarts des gens, tout un vocabulaire qui sert à ne pas penser ; ce sont ces mots mal définis, qui s’adaptent à tout, qui n’empruntent leur sens que de l’objet auquel on les applique, et qui signifient plus ou moins selon l’esprit de l’auditeur ou du lecteur.
Mais il ne suffit plus ici de lire des yeux, ni même de repasser des mots aux choses, des signes aux objets, il faut étudier les mots dans leurs rapports entre eux, dans leurs sens, voir ce qu’ils pourraient exprimer autant que ce qu’ils expriment, rechercher leurs origines et leurs variations, sonder leur profondeur, mesurer leur étendue, profiter en un mot de la rencontre qu’on en fait une fois, pour les connaître intimement, à fond, pour jamais.