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253. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

L’âme des peuples, comme l’âme des grands individus qui les représentent dans le drame historique, disparaît de la scène pour faire place à cette force des choses que les uns nomment fatalité, les autres providence. […] Cela n’est pas seulement visible dans cette espèce de roman historique qui se nomme la Cyropédie ; on le reconnaît également dans les Helléniques, dans la Retraite des dix mille, dans les Républiques de Sparte et d’Athènes. […] Après ces grands historiens de l’antiquité, il est à peine nécessaire de nommer un rhéteur comme Quinte-Curce, qui a voulu faire de l’histoire d’Alexandre une sorte de poëme épique en prose fleurie et déclamatoire. […] Dans ces grands États qui se nomment l’Espagne, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la force des choses, résultante de causes très-diverses, mais toutes également fatales, fait sentir toujours et partout son immense et irrésistible impulsion avec une évidence qui a frappé les historiens de notre temps. […] Saint-Simon et Auguste Comte ont ceci de commun, que la science abstraite de l’homme qui se nomme la psychologie est médiocrement de leur goût et de leur compétence.

254. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

L’affaire devait être décidée au parlement (le parlement Maupeou) sur le rapport d’un conseiller nommé Goëzman. […] Son camarade, en l’appelant, l’a nommé Angelucci. […] Le Parnassiculet, parodie anonyme, mais dont on peut nommer l’auteur, M.  […] Mais pourquoi les poètes que je viens de nommer sont-ils sympathiques ? […] La garde nationale de Mâcon lui offrit de le nommer colonel.

255. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Il nomme des chefs qui le gouvernent en parfait mépris des droits de l’homme ; il nomme des législateurs qui font des lois parfaitement despotiques ; et il est libre comme peuple, parfaitement ; seulement c’est un peuple libre, composé d’esclaves. […] Ce peuple nomme le souverain. […] Le moyen que le jugement eût été autre, n’eût pas été de faire nommer les juges de Toulouse par les Toulousains. […] En république le pouvoir central est nommé, indirectement ou directement, parle peuple. […] Ce même parti, qui aurait la majorité, nommerait les juges comme il nommerait le gouvernement, dans le même esprit et dans les mêmes préoccupations politiques.

256. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Montluc ne se donne pas pour un historien, c’est un écrivain spécial de guerre ; il semble qu’il tienne à justifier ce mot de Henri IV lisant ses Commentaires, que c’est la Bible du soldat : « Je m’écris à moi-même, et veux instruire ceux qui viendront après moi : car n’être né que pour soi, c’est à dire en bon français être né une bête. » Il commence par établir une bonne police dans la ville ; il la divise en huit parties, dont chacune est sous la surveillance et les ordres d’un des huit magistrats nommés les « huit de la guerre » : dans chacune de ces sections, il fait faire un recensement exact des hommes jusqu’à soixante ans, des femmes jusqu’à cinquante, et des enfants depuis douze, afin qu’on voie quels sont ceux qui peuvent travailler aux choses de siège et à quoi ils sont propres ; dans le travail commun, les moindres ont leurs fonctions ; chaque art et métier, dans chaque quartier, nomme son capitaine, à qui tous ceux du même métier obéissent au premier ordre. […] C’est alors que le désir d’une plus absolue retraite le venait prendre quelquefois et le tentait de se vouer à une entière solitude : Il me ressouvenait toujours d’un prieuré assis dans les montagnes, que j’avais vu autrefois, partie en Espagne, partie en France, nommé Sarracoli : j’avais fantaisie de me retirer là en repos ; j’eusse vu la France et l’Espagne en même temps ; et si Dieu me prête vie, encore je ne sais que je ferai.

257. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

J’ai sous les yeux de jolies vignettes sorties du facile et spirituel crayon de Tony Johannot ; c’est le côté comique et gai, uniquement, qui est rendu, mais la dignité du héros, ce sentiment de respect sympathique qu’il inspire jusque dans sa folie, cette imagination hautaine qui n’était que hors de propos, qui eût trouvé sans doute son emploi héroïque en d’autres âges, et, comme on l’a très-bien nommée, « cette grandesse de son esprit et cette chevalerie de son cœur », qu’il sut conserver à travers ses plus malencontreuses aventures et qu’il rapporta intactes jusque sur son lit de mort, cela manque tout à fait dans cette suite agréable où l’on n’a l’idée que d’une triste et piteuse figure, et c’est au contraire ce que M.  […] Le capitaine de sa compagnie, quand il combattit à Lépante, était Diego de Urbina, et il s’est plu à le nommer dans Histoire du Captif, qui n’est pas la sienne, mais qui est toute parsemée de ses souvenirs. […] Le Dey d’Alger disait de lui que « quand il tenait sous bonne garde le manchot espagnol, il tenait en sûreté ses esclaves, ses galères et même toute la ville. » Dans l’Histoire du Captif, Cervantes, faisant raconter à ce personnage réel ou fictif bien des choses dont lui-même avait été témoin et les horreurs qui avaient affligé sous ses yeux l’humanité, lui fait dire encore : « Un seul captif s’en tira bien avec lui (avec le Dey) ; c’est un soldat espagnol, nommé un tel de Saavedra, lequel fit des choses qui resteront de longues années dans la mémoire des gens de ce pays, et toutes pour recouvrer sa liberté.

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