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897. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Didactiques, professeurs, vulgarisateurs : autant de noms polis pour ne point dire plagiaires. […] Et cette faute de pensée (on est bien obligé d’accorder aux quantités négatives les noms des quantités positives) est aggravée d’une faute d’imagination. […] J’ai vu souvent, même dans ceux de ses livres qui se prétendent sans prétentions, un personnage qui « risquait l’incertitude du parquet glissant », ou qui, au lieu de s’appeler Suin, « s’autorisait du nom de Suin ». […] Mais ce n’est pas de ces vieux livres, c’est de lui-même qu’il a voulu sortir « un Christ nouveau tout entier » : « J’ai laissé de côté les Évangiles antiques, je me suis écarté du Christ qui y est peint. » Pourquoi alors conserver le nom de Christ à son personnage ? […] Le nom l’indique et les « œuvres » le prouvent, le naturisme est un naturalisme auquel on a coupé quelque chose.

898. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

L’éloquence de la chaire n’est pas sans avoir refleuri de nos jours, et l’on pourrait citer quelques noms modernes qui soutiennent avec honneur les traditions du passé : M.  […] Dans cette patrie de Bossuet, en vue de la colline où naquit saint Bernard, il ne songeait pas encore qu’il aurait un jour affaire à ces grands noms, et qu’il briguerait son rang dans leur descendance. […] Il fit plus pourtant que de l’entrevoir dans des conférences qu’il prêcha en 1834 au collège Stanislas, et où la jeunesse s’étonna d’entendre pour la première fois en chaire une parole vive et jeune comme elle, svelte et hardie, abordant par leurs noms les idées neuves, en prenant souvent la couleur et l’accent pour les serrer de plus près et pour les rattacher par leur partie saine à l’antique tradition qui en semblait toute rajeunie. […] Trois grands noms de prédicateurs sont l’honneur de la chaire française : Bossuet, Bourdaloue et Massillon. […] Je laisse à cette grande renommée d’Érasme la gloire de la science et de l’esprit, mais je ne cesserai jamais de revendiquer sous ce nom le droit du bon sens fin et mitigé, de la raison qui regarde, qui observe, qui choisit, qui ne veut point paraître croire plus qu’elle ne croit ; en un mot, je ne cesserai jamais, en face des philosophies altières et devant la foi même armée du talent, de stipuler le droit, je ne dis pas des tièdes, mais des neutres.

899. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Le nom de M. de Féletz s’associe naturellement à ceux de Dussault, d’Hoffman, ses anciens collaborateurs au Journal des débats, alors Journal de l’Empire. […] La Décade, avant d’expirer, avait changé de nom et d’esprit. […] De ces divers écrivains, ainsi agrégés, qui avaient commencé ou qui continuèrent alors de concert la fortune du journal, quatre noms sont restés de loin associés dans le souvenir comme représentant la critique littéraire sous l’Empire : Geoffroy, Dussault, Hoffman et M. de Féletz, qui vient de mourir le dernier. […] On n’est jamais entré dans le monde littéraire avec moins de respect pour les grands noms de la veille que Geoffroy. […] Pourtant, une juste reconnaissance doit s’attacher à leurs noms.

900. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Elle était de son nom Mlle de Breteuil, née en 1706, de douze ans plus jeune que Voltaire. […] Ainsi, en inscrivant son nom au bas de l’œuvre de Newton, elle semblait appeler déjà la méthode d’exposition de M. de Laplace. Quel honneur pour une femme de pouvoir glisser son nom entre de tels noms ! […] Aimez qui bonnement et pleinement vous le rende, aimez qui ait à vous offrir tout un cœur, n’eût-il aucun nom célèbre et ne s’appelât-il que le chevalier Des Grieux.

901. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il y a plus de deux siècles déjà, en 1624, Honoré d’Urfé (l’auteur du fameux roman de L’Astrée), qui vivait en Piémont, reçut une lettre très sérieuse qui lui était adressée par vingt-neuf princes ou princesses et dix-neuf grands seigneurs ou dames d’Allemagne ; les susdits personnages l’informaient qu’ils avaient pris les noms des héros et des héroïnes de L’Astrée, et s’étaient constitués en Académie des vrais amants ; ils demandaient avec instance la suite de l’ouvrage. […] Il y a eu un moment où, à Venise, par exemple, la société qui s’y trouvait réunie imagina de prendre les noms de ses principaux personnages, et de jouer leur jeu. […] Il attachait la plus grande importance à cette façon de baptiser son monde ; il attribuait, d’après Sterne, aux noms propres une certaine puissance occulte en harmonie ou en ironie avec les caractères. Les Marneffe, les Bixiou, les Birotteau, les Crevel, etc., sont ainsi nommés chez lui en vertu de je ne sais quelle onomatopée confuse qui fait que l’homme et le nom se ressemblent. […] Bette toute la première, qui donne son nom au roman, est une de ces exagérations : il ne semble pas que cette pauvre personne qu’on a vue d’abord une simple paysanne des Vosges, mal vêtue, mal mise, rude, un peu envieuse, mais non pas méchante ni scélérate, soit la même qui se transforme à un certain moment en personne du monde presque belle, et de plus si perverse et si infernale, un vrai Iago ou un Richard III femelle !

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