Charles Nodier, Victor Hugo, avaient énergiquement tonné contre la bande noire ; des savants positifs, les antiquaires de Normandie, M. de Caumont, Auguste Le Prévost, un si bon et si aimable esprit, décrivaient et remettaient en honneur les monuments, églises, restes d’abbayes et de moutiers, de leur riche province ; pionniers utiles, ils amassaient des matériaux pour un futur classement complet qui se ferait d’après l’observation comparée des caractères. […] La cathédrale était tendue de noir.
Dans ces accès de noire mélancolie, je m’exilais solitaire dans les montagnes, au penchant des précipices, dans les cavernes où les torrents prennent leurs sources ; comme Manfred, je secouais mes cheveux aux vents des glaciers, et je cherchais à me fuir moi-même dans la contemplation de l’œuvre éternelle : je cherchais l’impossible ! […] Assez de noirs soucis ont rempli mes années.
Dans les jours de la Grèce antique, On te mêlait aux noirs cyprès ; Des Anciens le deuil poétique Par toi disait les longs regrets ; L’âme d’Achille consolée A son belliqueux mausolée Vit les Thessaliens venir, Parés de ta fleur solennelle : Leur deuil voulut montrer en elle L’éternité du souvenir. […] Je nommais tes yeux gris mes petites colombes, Tu nommais mes yeux noirs tes deux petits corbeaux… 64.
S’étonnant de n’être pas sensible, comme elle devait l’être, à l’arrivée prochaine d’un ami, elle dira de ses malheurs : « Ils m’ont rendu l’âme si noire, que je ne sens plus le plaisir, je ne fais que le penser. » — Et plus loin : « Le croiriez-vous ? […] Les lettres qui en partaient et qui y arrivaient passaient toutes par les mains de Mme du Châtelet, qui avait établi dans sa chambre une sorte de petit cabinet noir, c’est-à-dire qui ne se faisait pas faute de décacheter ce qui lui semblait suspect.
La vision des plus grises réalités est impitoyablement nette ; la force graphique du style en fait saillir aux yeux les ternes linéaments, — et à cette évidence se joint un sentiment du mystérieux, du spectral et de l’hallucinatoire, qui par un merveilleux alliage, infuse, au vrai, tout le noir effroi du rêve. […] Ces spectacles et ces récits, brouillés encore de l’incohérence, et de l’oppression des rêves qui les interrompent, forment la matière d’étranges livres ; dénués de toute poésie expresse, sombres, tristes, sales et bas, ils évoquent sourdement comme une haute fantasmagorie où les rues, les maisons et les êtres, d’abord stables ou marchants, vacillent tout à coup et planent, ombres ou noirs profils de songes.