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508. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Si votre noble ami avait vécu, c’est à lui que j’aurais voulu les présenter, c’est son suffrage que j’aurais ambitionné d’obtenir par-dessus tous les autres. […] Il y a deux ou trois hommes d’esprit et de sens : du reste, c’est une ignorance dans les nobles dont je ne me faisais pas l’idée. […] C’est à votre noble impartialité que j’en appelle. […] « C’est la duchesse de Devonshire, la plus belle et la plus riche des Anglaises, avec laquelle j’étais lié, et qui me mentionne dans son testament d’amitié peu d’années après ; l’excellent cardinal Consalvi, ministre du cœur de Pie VII ; lord Byron ; Hoblouse, son ami ; Thomas Moore, le poète de l’Inde ; lord Russell, qui gouverne encore aujourd’hui l’Angleterre ; Lamartine, ajoute l’historien, non plus timide et tremblant, comme en 1811, mais levant déjà son front inspiré, et lisant à ce noble auditoire les strophes mélodieuses qui allaient renouveler la poésie en France. » Ce salon était un sommet serein de la pensée qui réapparaissait au-dessus des flots. […] On sait que cette noble personne, dont l’influence fut si vive et si douce dans le monde des Joubert, des Ballanche, des Chateaubriand, se sentant frappée d’un mal sans remède, était allée demander au ciel de l’Italie l’apaisement de ses souffrances.

509. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Une seule voix sans parole, non pas sans harmonie, sans force, mais irrésistible, proclame un Dieu au fond de notre cœur : tout ce qui est vraiment beau dans l’homme naît de ce qu’il éprouve intérieurement et spontanément : toute action héroïque est inspirée par la liberté morale ; l’acte de se dévouer à la volonté divine, cet acte que toutes les sensations combattent et que l’enthousiasme seul inspire, est si noble et si pur, que les anges eux-mêmes, vertueux par nature et sans obstacle, pourraient l’envier à l’homme. […] Dieu soit béni, cependant, pour le secours qu’il nous prépare encore dans cet instant ; nos paroles seront incertaines, nos yeux ne verront plus la lumière, nos réflexions qui s’enchaînaient avec clarté, erreront, isolées, sur de confuses traces ; mais l’enthousiasme ne nous abandonnera pas, ses ailes brillantes planeront sur notre lit funèbre, il soulèvera les voiles de la mort, il nous rappellera ces moments où, pleins d’énergie, nous avions senti que notre cœur était impérissable, et nos derniers soupirs seront peut-être comme une noble pensée qui remonte vers le ciel. » Tel est ce livre, le résumé vivant de la pensée d’un grand esprit, que l’étude approche de la sainteté, l’explosion éclatante d’une âme chargée par une longue vie et prête à s’évanouir dans sa lumière. […] Villemain, j’avais vu madame de Staël dans cette maison et ailleurs éclairer d’une vive lumière quelques entretiens accidentels sur la politique, les lettres, les arts, parcourir le passé et le présent comme deux régions ouvertes partout à ses yeux, deviner ce qu’elle ne savait pas, aviser par le mouvement de l’âme ou l’éclair de la pensée ce qui n’était qu’un souvenir enseveli dans l’histoire, peindre les hommes en les rappelant, juger, par exemple, le cardinal de Richelieu avec une sagacité profonde, et il faut ajouter une noble colère de femme, puis l’empereur Napoléon qui résumait pour elle tous les despotismes, et que sa parole éloquente retrouvait à tous les points de l’horizon comme une ombre gigantesque qui les obscurcissait. […] Un intérêt intime se mêlait alors en elle à l’anxiété publique ; quelques jours auparavant son âme était tout entière à des soins de famille, à l’union la plus digne préparée pour sa fille, à la pensée du jeune homme de si noble nom et de si grandes espérances que sa fille et elle avaient choisi, et maintenant c’était des apprêts d’une fuite nouvelle, l’attente d’un nouvel ébranlement de l’Europe, d’une ruine publique où pouvait s’abîmer tout bonheur privé, qui de toutes parts obsédaient cette âme active, que les incertitudes ordinaires de la vie suffisaient à troubler parfois jusqu’à la souffrance. […] « À quelques nouvelles plus ou moins faussement favorables, à l’annonce d’une noble lettre de M. 

510. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Ils mettent surtout la victoire de leur côté, parce que Racine, à la fin de sa vie, reconnut ses erreurs, crut avoir manqué l’objet du théâtre, & qu’après avoir embrasé la scène de tant de feux, il tourna son talent à des sujets plus chastes & plus nobles. […] Le peu de comique qui s’y trouve est noble, & naît du fond du sujet : il n’y a de comique qu’entre les deux amans Darviane & Rosalie. […] Destouches est fin & noble ; Dancourt fécond, léger, excellent pour le dialogue ; Le Grand naturel & très-agréable ; Dufresni vif, enjoué, saillant. […] La simplicité naïve, la gaieté décente, la diction pure & noble même, autant que le sujet le comporte, en sont leurs principaux caractères. […] Dans le travestissement, on substitue le langage bas & burlesque au stile noble & élevé des auteurs qu’on défigure ; mais la parodie n’exige point qu’on avilisse sa façon d’écrire.

511. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Progrès accomplis Deux grands esprits, deux talents plutôt égaux que semblables présidèrent à cette restauration de l’intelligence, Chateaubriande et Germaine de Staël ; l’un catholique et royaliste de cœur et d’imagination, défenseur du passé, doué de toutes les aspirations de l’avenir ; noble courtisan de toutes les disgrâces, avocat chevaleresque de toutes les grandeurs malheureuses ; l’autre, fille de la Réforme, élève de la philosophie et de la liberté, mais de la philosophie sans irréligion, et de la liberté sans souillure ; passionnée pour toutes les grandes choses, et apportant au culte des lettres la délicatesse d’une femme et la haute raison d’un homme de génie ; tous deux partis des points les plus divers de l’horizon, et réunis ou du moins rapprochés à la fin de leur carrière par la pression des temps et la pente naturelle de la pensée. […] Enfin sanctifiez votre âme comme un temple, et l’ange des nobles pensées ne dédaignera pas d’y apparaître9. » En quoi consiste cette méthode historique, que la critique moderne inaugurait d’une manière si brillante ? […] C’est la pierre de touche que La Bruyère nous offre pour distinguer le bon du mauvais : « Quand une lecture vous élève l’esprit et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas d’autre règle pour juger de l’ouvrage ; il est bon et fait de main d’ouvrier. » Mais pour appliquer cette règle excellente, il faut une âme capable de nobles émotions. […] Que mille échos intelligents répètent, grossissent, prolongent toute noble parole.

512. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

III6 MM. de Goncourt sont, de tendance, de nature de chose, absolument impossibles à dépraver même dans ce temps qui déprave tout, des écrivains du plus grand art et de la plus noble littérature. […] Tout ce roman de Renée Mauperin est dans ce chef-d’œuvre acéré d’Henri Mauperin, qui, pour soubasser son ambition de « jeune bourgeois », a soufflé scélératement au cœur d’une de ces femmes mûres, toujours prêt à s’entr’ouvrir, une passion insensée sur laquelle il compte pour lui faire donner sa fille en mariage ; et l’incestueux mariage s’accomplirait avec le cynisme ordinaire, lorsque Henri est tué en duel par un vieux noble qu’il croyait mort et dont il avait pris le nom légalement ( la légalité nous tue ! […] Les hommes qui l’ont écrit avaient trempé la fine extrémité de leurs doigts, faits pour toucher à de plus nobles choses, dans ce réalisme dont nous voyons les œuvres dernières. […] Mais depuis longtemps, ankylosé de réalisme, l’auteur des Zemganno s’y est probablement pris trop tard pour être poétique ; et son livre, dont le sujet était de la sentimentalité la plus pure et la plus noble, puisqu’il devait être la glorification attendrie de l’amour fraternel, n’est partout que de la plus épaisse, de la plus grossière matérialité. […] Il me serait impossible, s’il l’y perdait, de ne pas regretter la noble tête de M. 

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