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226. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

C’est par cette figure qu’un grand homme d’État anglais a donné l’idée la plus frappante de ce que doit être le gouvernement chez une nation forte, une nation qui a de grandes facultés et de grandes passions : car il n’y a point de grandes facultés sans grandes passions ; et malheur aux nations qui ne sont point passionnées ! […] Il est revenu plus d’une fois, dans des pages dignes d’un vrai politique et d’un historien, sur ce que c’est que l’heure de l’entraînement dans une nation, et sur le parti qu’on en peut tirer pour de grandes choses : Il y a de profonds politiques, dit-il avec raillerie (26 septembre 1831), qui ne croient pas qu’on puisse faire autre chose que du désordre par l’entraînement, et qui prétendent que c’est la ressource de l’incapacité… Il y a aussi, dans l’opposition, des hommes qui ont lu l’histoire, et qui se sont persuadé qu’en politique comme en guerre, ce qui distingue le génie de la capacité vulgaire, c’est de saisir l’entraînement et de s’en servir. […] Ils ont chacun leur moment ; car une nation ne peut pas toujours faire de grandes choses : il lui faut se reposer de temps en temps et reprendre haleine sous la main des spirituels diseurs de riens.

227. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Ce Boris était de ces hommes d’énergie et d’autorité qui, en voulant régner et se satisfaire, veulent aussi civiliser à tout prix une nation ; c’était une sorte de Pierre le Grand anticipé et incomplet, venu dans des conditions moins favorables. […] On ferait une liste curieuse de tous ces faux prétendants dont quelques-uns ont surpris pour un temps la crédulité publique et celle des nations. […] Il sentait que les forces de la nation lui manquaient et se retiraient de lui, et, chose singulière ! […] Il nous montre un de ses interlocuteurs, l’avocat orateur Antoine, qui se pique peu de littérature grecque, discourant toutefois à merveille des historiens de cette nation, et les ayant lus plus qu’on ne croirait : Si je lis quelquefois ces auteurs et d’autres de la même nation, dit Antoine, ce n’est pas en vue d’en tirer quelque profit par rapport à l’éloquence, c’est pour mon agrément quand je suis de loisir.

228. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Il ne fut plus la religion et la société d’une nation, comme le mosaïsme ; il ne fut pas encore la société des nations qui doit sortir seulement de la révélation nouvelle ; il fut la société des individus. […] Or, voilà pourquoi le christianisme est resté en chemin de son œuvre ; voilà pourquoi de Maistre, génie autant mosaïque qui catholique, ne conçoit pas que Dieu, auteur de la société des individus, n’ait pas poussé l’homme, sa créature chérie et perfectible, jusqu’à la société des nations ; voilà pourquoi les juifs s’obstinent à contempler avec un sentiment orgueilleux de supériorité leur loi, si complète en elle-même, que le christianisme a brisée avant d’avoir à rendre au monde l’unité définitive ; voilà pourquoi la religion de l’avenir, qui devra renfermer tous les caractères du judaïsme et du christianisme, renfermera aussi dans ses temples les juifs et les chrétiens, en les mettant d’accord, selon qu’il a été dit dans les anciennes et les nouvelles Écritures.

229. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Il est grand par sa poésie, grand par son talent de dialecticien et grand par sa science des nations, mais il est plus beau et plus pur mille fois parce qu’il a compris ce qu’attend le monde. […] C’est une ambition qui paraît au premier coup d’œil aspirer à descendre, mais qui en réalité n’aspire qu’à monter, car il n’y a rien de plus haut que l’âme d’une nation, et c’est faire partie de l’âme d’une nation que de devenir la lecture, la rêverie, la prière, l’entretien journalier de la foule honnête… » J’ai cité le morceau entier.

230. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Ces deux caractères, ouvrages d’une nation tout entière, devaient nécessairement présenter dans leur conception une heureuse uniformité ; c’est dans cette uniformité, d’accord avec le sens commun d’une nation entière, que consiste toute la convenance, toute la grâce d’une fable.

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