Taine est né catholique, et que d’ailleurs nous étions autorisés à croire qu’il voyait d’inconciliables contradictions entre toute religion et les méthodes scientifiques. […] Taine, qui est né catholique et qui a vécu en libre-penseur, est mort protestant.
D’où naît ce sentiment ? […] Dès que le mérite parut, l’envie naquit, et la persécution se montra ; mais au même instant la nature créa la gloire, et lui ordonna de servir de contrepoids au malheur.
Or, la tolérance moderne, à peu près universelle, née d’une indifférence profonde, est un dissolvant plus sûr que l’oppression. […] L’auteur du Roi d’Yvetot n’est pas tombé dans le domaine public, il y est né, il y a vécu, il y triomphe. […] M. de Lamartine n’est pas né croyant : c’est un esprit radicalement sceptique. […] Éloa est une Ange née d’une larme du Christ. […] Nous sommes une nation routinière et prude, ennemie née de l’art et de la poésie, déiste, grivoise et moraliste, fort ignare et vaniteuse au suprême degré.
A moins de venir à quelque époque encore brute, inégale et demi-barbare, à moins d’être un de ces hommes quasi fabuleux (Homère, Dante,… Shakspeare en est le dernier) qui obscurcissent, éteignent leurs contemporains, les engloutissent tous et les confisquent, pour ainsi dire, en une seule gloire ; à moins d’être cela, ce qui, j’en conviens, est incomparable, il y a avantage encore, même au point de vue de la gloire, à naître à une époque peuplée de noms et de chaque coin éclairée. […] Abel Villemain, né à Paris vers la fin de 91 ou au commencement de 92111, d’une mère que tous ceux qui ont l’honneur de la connaître savent d’humeur si spirituelle et si marquée, fit de ces bonnes et excellentes études classiques, qu’il eût, en tout cas, réparées avec sa rare promptitude si elles avaient été insuffisantes, mais dont l’heureuse et précoce facilité eut une grande part dans sa tournure littéraire. […] Né dans le Midi, venu à Paris dans les premières années du siècle, et disciple studieux, ardent, de l’école républicaine et philosophique, de Garat, Ginguené, Chénier, il présente avec le jeune et facile rival qui, pour coup d’essai, le détrôna, des contrastes frappants, et dont tous n’étaient pas à son désavantage. […] Il y a l’accent qui insinuait, le geste qui achevait, la saillie qui osait, qui se reprenait et s’apaisait aussitôt, qui, comme une vague échappée et prête à faire écume, rentrait tout à coup au sein du discours avec grâce, et la nuance de plaisir et de pensée, et l’impression née de cet ensemble ; il y a l’orateur, la merveille elle-même, comme disait moins poliment le rival vaincu du grand Athénien. […] Villemain est né le 10 juin 1790.
Je n’oserais affirmer que la vertu et la gaieté se tiennent si étroitement ; la gaieté naît avant tout d’un tempérament heureusement mélangé par la nature, mais il faut aussi que ce tempérament ne soit pas altéré de bonne heure par des habitudes sociales et des influences factices trop contraires. […] Marc-Antoine Désaugiers naquit le 17 novembre 1772, à Fréjus en Provence. […] Désaugiers l’était, si jamais on le fut, et tout ce qu’il a fait en ce genre a été tellement lancé d’un jet, qu’on ne peut guère y adapter d’autres airs ; rhythme et pensée, la chose légère est née tout entière avec le chant. […] Enfin, ses chansons si promptes à naître et souvent si parfaites d’exécution, ne s’achevaient pas toutes seules, qu’on le sache bien. […] Le nom de Désaugiers m’en rappelle un autre qu’on n’est guère tenté de lui associer, et que je tiens absolument à y rattacher par quelque bout, — un personnage célèbre à tout autre titre, et qui pourtant, né en d’autres régions sociales, eût tenu largement sa place parmi les coryphées de la gaieté pure : je veux parler de Lally-Tollendal, auteur de pots-pourris délicieux, d’une folie à l’usage de la bonne compagnie, et qu’il chantait à ravir ; il n’était pas seulement le plus gras, mais encore le plus gai des hommes sensibles.