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427. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Vingt ans après la mort de Joinville, naît pour prendre sa place messire Jehan Froissart, le peintre des magnificences féodales, des passes d’armes et des grandes chevauchées. […] Comines conclut le quinzième siècle : voici le seizième qui entre en lice avec toute une phalange de prosateurs, quand l’Allemagne ne comptait qu’Ulric de Hutten et Luther, que la prose n’était pas née pour ainsi dire en Espagne et que l’Italie ne nous opposait plus, à l’exception de Machiavel et de Guichardin, que des écrivains diserts bien inférieurs à tous ces génies créant chacun une langue dans la langue française. […] Quelle est la nation de l’Europe qui pourrait opposer une aussi nombreuse, une aussi remarquable élite de prosateurs à ceux qui, chez nous, sont nés à la vie littéraire depuis 1800 ? […] On les connaît enfin, mais qui sait, sans parler du dix-neuvième siècle où la France a vu naître les trois plus grands lyriques qui aient jamais existé et toute une pléiade à leur suite, qui sait qu’au seizième et au dix-septième siècle notre poésie a suscité la plus riche floraison et qu’il s’est alors produit des chefs-d’œuvre d’émotion, de grâce, d’esprit, de style, à défrayer des anthologies aussi étendues que celles de Céphalas et de Planude5 ?

428. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Dans les hommes de génie, les idées naissent sans efforts, et l’expression propre à les rendre naît avec elles ; exprimer d’une manière qui nous soit propre des idées qui ne sont pas à nous, c’est presque uniquement l’ouvrage de l’art, et cet art est d’autant plus grand qu’il ne doit point se laisser voir. […] Ainsi les fruits nés dans leur sol naturel par une culture ordinaire et des soins médiocres, sont préférés aux fruits étrangers qu’on a fait naître dans ce même sol avec beaucoup de peine et d’industrie ; on goûte les derniers, et l’on revient toujours aux autres.

429. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

L’identité du sujet, si diversement interprété par le peintre et par le romancier, n’aurait pas suffi sans doute à retenir mon attention, si le rapprochement des deux œuvres n’avait aussitôt fait naître en moi la conscience de l’opposition bien nette des deux conceptions dont elles dérivent. […] Née de la pourriture du paganisme, elle s’est épanouie sur le monde, et l’humanité s’en est nourrie durant des siècles. […] Les autres « fois » proviennent d’en haut, celle-ci est née d’en bas, des entrailles de la terre et de l’humanité, de la nature même de l’homme. […] La vérité naît peu à peu du libre et impartial examen de l’homme, qui reprend sa place dans l’immense série des êtres et des mondes.

430. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

« Elle n’était pas née de semblables parents cette jeunesse qui rougit la mer de sang carthaginois, et abattit Pyrrhus, le grand Antiochus et l’implacable Annibal. […] La vraie beauté de cette ode, c’est même, dans la bouche du chantre épicurien de l’empire, le retour aux grands souvenirs de la liberté romaine, à cette vaillante jeunesse née de soldats laboureurs ; c’est, avec une admirable concision, l’abrégé des victoires de la république ; puis la dernière strophe semble aujourd’hui pour nous une prédiction trop vraie arrachée au poëte, comme à ce prophète de l’ancienne loi qui maudit en voulant bénir. […] « Les braves naissent des braves et des bons : dans les taureaux et les coursiers se conserve la vertu des pères ; et ce n’est pas l’aigle belliqueuse et qui engendre la colombe timide. […] Une saine culture fortifie les âmes ; quand les mœurs manquent, les mieux nés se déshonorent par des fautes. » Ce ne sont pas cependant les odes politiques et religieuses d’Horace qui pour nous signalent le poëte que le monde lettré lira toujours.

431. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Massillon aussi, à Hyères, a reçu un souffle de l’antique Massilie, et sa phrase abondante et fleurie rappelle Isocrate. […] Heureusement André Chénier était , et par lui la veine grecque est retrouvée.

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