/ 2498
404. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent : Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Ouverts à quelque immense aurore, De l’autre côté des tombeaux Les yeux qu’on ferme voient encore. […] Il existe un bleu dont je meurs Parce qu’il est dans les prunelles. […] Le juste est né, le juste mourra. […] Il est doux de mourir lentement à la vie, de se refroidir au milieu d’un air tiède et lumineux, de sentir toutes choses s’éloigner de soi : une sourdine est mise à tous les bruits de l’univers, un voile jeté sur tout ce qu’il y a de trop éblouissant dans son éclat ; la pensée se fond en un rêve impalpable, en un nuage léger que nulle lueur trop vive ne déchire, et où l’on se cache pour mourir en paix. […] Tout ce qu’on prend d’abord pour une vérité Est comme ces beaux fruits des bords de la mer Morte, Qui, lorsqu’un voyageur à sa bouche les porte, Sont pleins de cendre noire et n’ont qu’un goût amer.

405. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Aujourd’hui c’est la sœur de ce poète, et en tout digne de lui par l’imagination comme par le cœur, qui, morte à son tour, vient livrer, par les soins d’amis pieux, le parfum de son âme et de ses secrets épanchements. […] Huit mois avant de mourir, il avait épousé une jeune personne indienne, élevée à Calcutta, et venue à Paris depuis peu d’années : « C’est en effet, dit Mlle de Guérin, une ravissante créature en beauté, en qualités et vertu, Ève charmante, venue d’Orient pour un paradis de quelques jours. » Le mariage se célébra à l’Abbaye-aux-Bois. […] Cette personne rare, cette sœur de génie, comparable par l’élévation et l’ardeur de la pensée à tout ce qu’il y a de plus distingué parmi les sœurs fidèles, Mlle Eugénie de Guérin mourut vers le milieu de l’année 1848. […] Eugénie de Guérin, morte, a gardé l’attitude de toute sa vie : on la revoit telle qu’elle fut toujours, ses chastes bras suspendus au cou de son frère, dans ces lettres où elle a laissé un peu de l’immortalité de son âme avant de la porter au ciel.

406. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

A ceux qui, jeunes, débutent par l’attaquer, par la dédaigner, l’Académie, qui n’est pas une personne jeune, mais d’âge moyen, et qui ne meurt pas, peut répondre : J’attendrai. […] Cette première fois le jeune enfant l’obtint ; il vit son père tiré vivant du sein du massacre et ramené à l’hôtel Molé aux applaudissements du même peuple mobile qui, la veille, l’aurait insulté, et qui le lendemain le verra mourir. […] Son père mourut. […] Il recueillit de tout cela des impressions profondes, ineffaçables, de ces impressions qui ne devraient jamais être séparées de l’histoire, et sans lesquelles elle n’est que froide et morte, toujours plus ou moins menteuse.

407. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

… Le jour arrive à cette heure sur sa figure, dessine les creux et les ombres des yeux et de la bouche, le décharnement presque instantané, me montrant, dans sa chair aimée, la sculpture de la mort… 10 heures du matin : Toutes les secondes, je les compte par ces douloureuses aspirations d’une respiration brève, haletante… 4 heures de l’après-midi : Tant de souffrances pour mourir ! […] … 9 heures : Dans ses yeux troubles, tout à coup une éclaircie souriante avec le long appuiement sur moi d’un regard diffus et comme s’enfonçant lentement dans le lointain… Je touche ses mains, c’est du marbre mouillé… 9 heures 40 minutes : Il meurt, il vient de mourir. […] Aujourd’hui que l’on s’occupe beaucoup de cette question dans notre monde médical, j’ai trouvé intéressant de signaler ce fait, auquel n’ont probablement pas songé les auteurs du roman, ils ont fait mourir leur héroïne d’un rhume négligé, mais ils ont tracé les caractères et la marche du mal d’une manière que ne renierait pas l’auteur du meilleur Traité de clinique médicale que nous possédions. » Questionné à ce sujet précis par le Dr Cabanès, Ed. de Goncourt répondit textuellement dans une lettre : « Pour Germinie38 ça s’est passé ainsi dans la nature, la pleurésie a précédé la tuberculose », et une autre fois « … j’ai décrit un cas de pleurésie prétuberculeuse, c’est bien l’expression technique ?

408. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Cherchez l’antithèse, et vous obtiendrez cette maxime, qui vous a un air fin et qui en vaut une autre : L’amitié naît des confidences, et elle en meurt. […] On dit qu’on voudrait mourir ; oui, on le voudrait…, mais on ne le veut pas. […] Elle étreint, elle enlace, elle se pâme, elle se tord, elle se meurt, elle enveloppe l’amant d’un enroulement de couleuvre. […] Puis, un beau soir, mourez sur la scène subitement, dans un grand cri tragique, car la vieillesse serait trop dure pour vous.

/ 2498