/ 2498
1515. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Pour avoir été juste, une barbare loi             Ordonne que je meure, Dieux saints ! […] Il prend pour son souverain bien, pour sa fin suprême, l’abstraction morte de la richesse, l’argent en soi et pour soi. […] Que le crime de Clytemnestre ne soit pas puni, qu’Antigone meure pour avoir accompli un devoir fraternel, c’est là une injustice, un mal en soi. […] L’avarice, aussi bien quant à ce qui est son but que sous le rapport des petits moyens qu’elle emploie, apparaît naturellement comme nulle de soi ; car elle prend l’abstraction morte de la richesse, l’argent comme tel, pour la fin suprême où elle s’arrête.

1516. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Tous les matins à sept heures, en hiver comme en été, le duc de Fronsac, par ordre de son père, se trouvait au bas du petit escalier qui conduit à la chapelle, uniquement pour donner la main à Mme de Maintenon qui partait pour Saint-Cyr169. « Pardonnez-moi, Madame, lui écrivait le duc de Richelieu, l’extrême liberté que je prends d’oser vous envoyer la lettre que j’écris au roi, par où je le prie à genoux qu’il me permette de lui aller faire de Ruel quelquefois ma cour ; car j’aime autant mourir que d’être deux mois sans le voir. […] Le valet de chambre du maréchal de Noailles lui disait un soir en fermant ses rideaux : « À quelle heure Monseigneur veut-il que je l’éveille demain  À dix heures, s’il ne meurt personne cette nuit171 ». […] Coiffés et poudrés, avec des boucles et des nœuds, en cravates et manchettes de dentelle, en habits et vestes de soie feuille morte, rose tendre, bleu céleste, agrémentés de broderies et galonnés d’or, les hommes sont aussi parés que les femmes. […] Sa mémoire est étonnante pour les parentés et les généalogies ; il possède à fond la science précieuse de l’étiquette ; à ces deux titres, il est un oracle et très consulté. « Il a beaucoup augmenté la beauté de sa maison et de ses jardins à Saint-Ouen. » — « Au moment de mourir, dit M. de Luynes, il venait d’y ajouter vingt-cinq arpents qu’il avait commencé à faire enfermer dans une terrasse revêtue… Il avait une maison considérable en gentilshommes, pages, domestiques de toute espèce, et faisait une dépense prodigieuse… Il avait tous les jours un grand dîner… Il donnait presque tous les jours des audiences particulières.

1517. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t’appeler, Puis, après, comme moi, souffre et meurs, sans parler. […] Pourtant la poésie n’est point morte : le poète, en tant qu’artiste personnel, est peut-être le contemporain du critique. […] Il est né, il mourra. […] Et quand viendra l’instant que j’ai tant convoité Mes vœux en fleur, épanouis comme un vertige De feu qui meurt et s’éblouit de sa clarté, Se rembelliront dans un suprême prodige De par la joie d’être à l’heure d’avoir été !

1518. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Il se reposait dans cette douce halte de la vie qu’on appelle une belle vieillesse, avant de mourir. […] Quand elle en fut à ces vers où Minerve supplie Jupiter de permettre à Ulysse d’aborder enfin dans sa patrie : « Ulysse, dont l’unique désir est de revoir au moins s’élever de loin la fumée de la maison où il est né et où il voudrait mourir !  […] Euryclée, n’est-ce pas votre Philiberte, qui vous a portés tous à votre tour dans son tablier, qui vieillit avec nous, et qui me remplacerait auprès de vous et de votre père si je venais à mourir avant elle ? […] Avant de mourir, il vivait dans la solitude et dans la paix de sa demeure de Monceaux, où nous vous conduisions les jours de fête pour jouer entre ses genoux.

1519. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

C’est la jeunesse avec ses folies, ses vertus, ses impétuosités ; le printemps avec ses parfums, ses fleurs et leur promptitude à mourir (transiency, dit délicieusement la langue anglaise). […] Roméo, lui, avec son changement de passion, son mariage soudain, sa mort cruelle, a toutes les magnifiques violences de la jeunesse, tandis que l’amour de Juliette, aux mélancolies et aux tendresses de rossignol, unies à la volupté de la rose, commence dans la fraîcheur d’une matinée de printemps et meurt avec la langueur embrasée d’un ciel d’Italie !  […] Elle vient très bien sur un tas d’erreurs, et elle n’en meurt pas. […] ce n’est point le tranchant de la conversion qui coupe tout, et fait deux parts de l’homme, séparant la moitié qui doit vivre de la moitié qui doit mourir, ce n’est pas le coup foudroyant de cette conversion comme l’entendent les hommes religieux, qu’a voulu exprimer Shakespeare.

/ 2498