Brunetière ne nous a pas nommé dans son discours mais, ayant cité le titre de nos livres et dénoncé leur doctrine, après une première allusion dans la Revue des Deux Mondes 45, il trouvera bon que nous essayions de lui démontrer en quelques mots l’insignifiance de sa thèse. […] Brunetière sait tout cela, et il a eu le courage de ne pas en dire un mot dans une conférence sur le style ! […] Figurez-vous notre surprise, quand nous l’entendîmes détruire lui-même en quelques mots sa propre argumentation et réduire à néant tout son discours. […] Le style de Pascal, par exemple, n’eût rien perdu à avoir un peu moins de qui, et de que dans cette phrase ; « Si je ne craignais d’être téméraire, je crois que je suivrais l’avis de la plupart des gens que je vois, qui, ayant cru jusqu’ici sur la foi publique, que ces propositions sont dans Jansénius, commencent à se délier du contraire, par un refus bizarre qu’on fait de les leur montrer, qui est tel que je n’ai encore vu personne qui ait dit les y avoir vues. » — Chateaubriand a écrit d’admirables pages en évitant soigneusement la répétition des mêmes mots et des qui et des que, et M.
À cette époque, le mot national n’était pas encore inventé, mais provisoirement il fut classé parmi les plus grands poètes, et non pas seulement par les Prud’hommes du temps, mais par les premiers, les esprits les plus difficiles et les plus forts. […] « Tout ce que l’enfer peut vomir de plus faux — dit-il des Philippiques — y était exprimé dans les plus beaux vers, le style le plus poétique, et tout l’art et l’esprit qu’on peut imaginer. » Quand il arrive aux affreux passages où le Régent est accusé d’empoisonnement : « L’auteur — ajoute-t-il — y redouble d’énergie, de poésie, d’invocations, de beautés effrayantes, de portraits du jeune roi et de son innocence… d’adjurations à la nation de sauver une si chère victime, en un mot, de tout ce que l’art a de plus fort et de plus noir, de plus délicat, de plus touchant, de plus remuant et de plus pompeux… » Ce n’est pas tout. […] Parce que Fréron en avait parlé peut-être, les écrivains qui font queue à Voltaire n’en avaient dit mot. […] C’est un critique d’histoire renseigné, qui discute et compare des textes avec la pénétration de la droiture, mais ce n’est point un critique dans un autre sens, et, dans l’acception élevée et connaisseuse du mot, un écrivain.
Des critiques, il y en a, sans doute, — et peut-être y en a-t-il trop, — mais de la critique, dans le pur et noble sens du mot, on en cherche en vain ; il n’y en a pas. […] C’était un bon sens très guindé dans une tête excessivement aride, un homme né podagre du cerveau, travaillé par une infécondité infiniment douloureuse, moins heureux tout le temps qu’il vécut que le lion de Milton, auquel il ne ressemblait pas, lequel finit par tirer sa croupe du chaos ; car il ne put jamais, lui, se dépêtrer des embarras obstinés de sa pensée, du vague des mots et du vide des choses au fond desquels il est mort plongé. […] II Tel, en deux mots, fut Gustave Planche. […] On le résume en deux mots : Anecdotes et détails !
C’est, je crois, le prince de Ligne qui a dit ce joli mot profond, quoique joli : « qu’on n’est point une personne d’esprit si on n’en a pas avant d’avoir ôté son bonnet de nuit, le matin ». […] On avait cru jusqu’ici à quelque grande passion, dans l’éloquence de son égarement, dans l’espèce de beauté que l’amour, quand il est absolu, donne parfois à des sentiments coupables ; il ne fut rien de cela, ou du moins elle n’en dit pas un seul mot. […] Vers la fin du volume, l’Écrivain, qui n’avait touché qu’un mot de ces deux succès : Indiana et Valentine, l’Écrivain envahit la femme qui se dérobe et le bas-bleu s’étend sur sa vie. […] Encore une fois, l’auteur connu, dans Madame Sand, mais l’auteur sans nouveauté d’idées, de verve et d’accent, et la femme peu connue, l’épistolière, donnant à l’auteur un dessous de langage abominablement commun et des métaphores de domestique indiquant l’habitude d’une âme évidemment moins haute, moins désintéressée et moins poétique que celle-là qu’elle affecte d’avoir quand elle parle d’elle, voilà, résumé en quelques mots, ce qu’on trouve en cette Correspondance, qui fera perdre à Madame Sand ses derniers amis et ses derniers admirateurs.
Tout Swift et tout dans Swift s’explique par l’ironie, depuis son Gulliver, plus bête qu’un Conte de Perrault s’il n’est pas une ironie contre l’Angleterre, jusqu’à ces Opuscules très curieux que publie M. de Wailly et qu’il appelle humoristiques, peut-être par faute d’un autre mot ; car Swift n’est pas plus humouriste qu’il n’est un excentrique, comme beaucoup de personnes paraissent le croire. Qu’on me passe le mot : il excentrique plutôt. […] Il avait écrit, dans une distraction de sincérité, un mot, qui n’est pas une ironie, sur les bassesses de l’ambition : « L’homme a la même posture, qu’il rampe ou qu’il grimpe ! […] Comme disait sublimement Byron : « Il s’éteignit par la cime ( died by the top ) », expression qui fait un voile de pourpre en deuil à la plus abjecte de nos misères… Seulement, dans l’avenir déjà commencé, il n’y aura pas de Byron qui puisse couvrir avec un mot brillant l’extinction de cette gloire qui mourra aussi de la cime au pied, — tout entière !