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272. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Sans parler des maîtres de la philosophie officielle, dont l’enseignement, donné sous forme spiritualiste ou kantienne, fonde la morale sur cette croyance, un penseur comme Amiel en vient à ce compromis de formuler que si l’homme n’est pas libre absolument, du moins il y a du jeu dans le mécanisme de nécessité qui le contraint. […] Or de quelque ordre de considérations que cet être s’inspire pour prendre parti, qu’il tienne compte d’une idée morale, d’un intérêt ou d’une passion, ne voit-on pas que tous les éléments d’après lesquels il décide, s’ils figurent maintenant dans la conscience, y ont été projetés d’un lieu inconnu, par une force inconnue et que la conscience ne gouverne pas. […] Le choix est nécessairement déterminé par le nombre et la qualité des éléments que l’on vient de dire, l’action de ces éléments, facteurs de l’acte, combinée elle-même avec l’inclination dominante, intéressée, passionnelle, intellectuelle ou morale, de l’être qui choisit. […] À défaut de preuves plus intimes et que tout homme, accoutumé à s’apprécier sous le jour de la morale traditionnelle, trouvera dans sa conscience, les pénalités de toutes sortes en font foi. […] Si cette confusion existe entre le bien et l’agréable, on ne conçoit pas en effet que l’homme, pourvu d’un libre arbitre et gouverné par le seul mobile de l’aspiration au bonheur, n’adopte pas dans tous les cas les principes de conduite que commande la loi morale, puisque celle-ci conduit à la pratique du bien qui procure le bonheur.

273. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Il mériterait, suivant moi, d’être traité à part, car enfin nous ne prenons ni l’un ni l’autre au pied de la lettre, et comme règle de morale publique, de rendre à César ce que nous lui devons, sans examiner quel est César, et quel est le droit et la limite de sa créance sur nous. […] C’est que la politique ne se suffît pas à elle-même et qu’elle doit reposer sur le droit naturel et sur la morale ; c’est ce que pensait M. de Tocqueville. « Sa visée, dit-il en parlant de Platon, qui consiste à introduire le plus possible la morale dans la politique, est admirable. » Pénétré de ce principe, quoiqu’il ne fût lui-même qu’un publiciste observateur, il n’est jamais indifférent entre le bien et le mal, et il apportait dans la politique un esprit de haute moralité qu’il n’aurait jamais trouvé par la politique seule. […] « Le plus grand péril des démocraties, c’est l’affaiblissement et la ruine de l’individualité humaine. » D’où il tire cette règle pratique : « Tout ce qui relève l’individu est sain. » Sa morale était conforme à sa politique : c’était la morale stoïcienne, la morale de l’effort et de la volonté. Elle a inspiré ces belles maximes éparses dans sa correspondance : « En toutes choses, il faut viser à la perfection ; — ce monde appartient à l’énergie ; — la grande maladie de l’âme, c’est le froid. » Sa vie même a été une confirmation de ses doctrines ; c’était une nature noble et haute, admirablement sincère, ayant toujours devant les yeux la grandeur morale ; c’était une personne, une âme, un caractère.

274. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Séailles dans l’Union morale de janvier 1915.)‌ […] Et surtout je sens ce qu’il y a de grandeur morale dans le cas de ces antimilitaristes et pacifistes qui adaptent leur idéal aux nécessités de l’heure présente pour lui assurer l’avenir. […] La morale, fondée clairement sur le principe nouveau du « refus de parvenir », fait de chacun de ces Français un citoyen méprisant de jouir, désireux de servir, préoccupé de son travail, désintéressé de lui-même, digne de l’amour…‌ Pourquoi la censure a-t-elle zébré, déchiqueté ce testament d’un génie innocent ? Cet essai de morale sérieux, émouvant, c’est un bel arbre français. […] Le front, quelle belle école morale pour les civils !‌

275. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

La morale de Charles XII n’est d’ailleurs qu’un lieu commun. […] L’éducation administrée à part ferait haïr jusqu’à la morale. […] La définition que Rollin y donne du goût est toute une morale. […] C’est là cette première morale du Traité des études dont je parlais tout à l’heure. […] La morale, dans le livre de Rollin, est une sagesse proportionnée, à la portée de toutes les mains, dont personne n’est incapable.

276. (1909) De la poésie scientifique

Charles Vildrac, d’une large et simple émotion que nous dirons à valeur morale. […] Florian-Parmentier, de qui la Physiologie morale du poète doit être lue. […] Venir à savoir, c’est venir à être, c’est-à-dire tendre à recréer en soi l’unité devenant l’Unité-consciente… L’homme a donc pour loi morale, d’accord avec l’univers, la loi du Plus-d’effort… Nous sommes au monde pour tendre à notre unité pensante et morale. […] — Donc, son plus de science (d’où, son plus de conscience) crée son plus de valeur intellectuelle et morale. […] Et, il se doit à l’Avenir  Donc, il doit tendre, si sa valeur morale est plus grande, à entraîner les autres hommes au partage de sa Connaissance.

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