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1168. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Lisez, mes amis, et saluons la vérité et la morale partout où elles éclatent, même dans la méchanceté et dans la démence. » C’est alors que Voltaire pardonne à Rousseau les injures qu’il en a reçues sans les avoir provoquées, et qu’il lui ouvre son cœur et sa maison pour l’abriter contre les persécutions et les exils dont Paris menace l’écrivain d’Émile et d’Héloïse. […] Il y a peu de vraie morale, mais il y a une ardente piété dans son style. […] Quelle autorité morale que sa vie ! […] Voilà un époux qui arrache impitoyablement, à chaque enfantement de ce honteux concubinage, le fruit d’un grossier libertinage aux bras et aux sanglots de la mère, pour que ce commerce, au-dessous de celui des brutes, n’ait ni charge morale, ni responsabilité matérielle pour lui !

1169. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

La poésie philosophique et scientifique, pour avoir l’influence morale et sociale qui lui appartient de droit, et qu’un Victor Hugo eût pu lui donner, doit être aussi vivante, aussi voyante et sentante que la poésie religieuse. […] » Les apologistes de la foi sous toutes ses formes, — foi morale à la façon de Kant ou foi proprement religieuse, — les criticistes comme les adeptes des religions protestante ou catholique, ont été heureux du renfort que semblait leur apporter cette « bible », si propre à produire le dégoût pour le nouveau Credo de la science. […] Puis le poète entre dans une église, au mois de Marie, et il entend le sermon d’un prêtre : Je l’entendis longtemps parler d’une voix dure, Mêlant son dogme trouble à la morale pure Et, dans son rêve noir et respirant l’effroi, Jetant les mots d’amour, d’espérance et de foi, Pareil à l’orateur qui, sous le drapeau rouge, Parlait aux malheureux réunis dans le bouge De progrès, de bonheur et de fraternité. […] Voir notre Morale d’Epicure.

1170. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Ses Synonymes 57 sont un petit chef-d’œuvre original de finesse, de bon goût et de morale. […] Rien de plus commun que de trouver tous les mots propres à la guerre, à l’histoire et à la morale, et d’ignorer le nom d’une fleur, d’une plante potagère ou d’un ustensile domestique ; on sait le mot latin d’un bouclier, on ne sait pas le mot latin d’un éteignoir, mot qui n’exista peutêtre pas ou qui ne nous est pas parvenu, la perte des auteurs ayant consommé avec le progrès de nos connaissances l’appauvrissement des langues anciennes. […] Ce dernier, je veux dire Plutarque, a écrit de la morale, des antiquités, des grands hommes qu’il a comparés. […] Qui est-ce qui ne connaît pas Horace, le précepteur de tous les hommes dans la morale, de tous les littérateurs dans l’art d’écrire, mais le plus adroit corrupteur des grands ; le libertin et malheureux Ovide, ses Tristes, ses Fastes, ses Amours, ses Métamorphoses, son esprit, sa facilité, sa volupté ; les naïves saletés de Catulle, la douce mélancolie de Tibulle, la chaleur de Properce, la noble et vertueuse audace de Juvénal, la finesse, la bonne plaisanterie et les élégantes obscénités de Martial ?

1171. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Triste spectacle, en vérité, qu’un tel spectacle, que cette décapitation de la pensée d’un homme de talent sous la guillotine morale d’un parti qui a tué sous lui, comme des chevaux de bataille, ses plus affreux grands hommes, et qui tuera aussi intellectuellement ses écrivains. […] Nous en avions de fatalistes, et ce sont même les plus communes, dans lesquelles l’innocentation des crimes et des criminels était admise en vertu de l’irrésistible force des choses et d’une négation, en hypocrite sourdine, de la liberté morale et de la divine Providence. […] Bien des hommes qui portent dans les sources de leur vie morale et intellectuelle le venin du xviiie  siècle n’oseraient ainsi le dégorger dans une œuvre retentissante et faite pour la publicité. […] … Et voilà pourquoi ici, — comme toujours et partout, — la question morale domine la question littéraire.

1172. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Quand il intitulait : Contes arabesques ces Contes que le mot : Histoires extraordinaires n’a pas traduits, il savait bien ce qu’il faisait : il bannissait l’homme, l’homme spirituel, la créature morale, de ses inventions ; et son titre avait raison : elle en est absente. […] Seulement, pour cela, il lui eût fallu le bénéfice et le soutien d’une éducation morale quelconque, et l’on se demande avec pitié ce que fut la sienne, à lui, le fils d’une actrice et de l’aventure, dans une société qui a trouvé, un beau matin, les Mormons au fond de ses mœurs ! […] Mais le silence de sa notice sur l’éducation morale, nécessaire même au Génie pour qu’il soit vraiment le Génie, genre d’éducation qui manqua sans doute à Edgar Poe ; et, d’un autre côté, le peu de place que tiennent le cœur humain et ses sentiments dans l’ensemble des œuvres de ce singulier poète et de ce singulier conteur, renseignent suffisamment — n’est-il pas vrai ?  […] A nos yeux, à nous qui ne croyons pas que l’Art soit le but principal de la vie et que l’esthétique doive un jour gouverner le monde, ce n’est pas là une si grande perte qu’un homme de génie ; mais nul n’est dispensé d’être une créature morale et bienfaisante, un homme du devoir social.

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