Pourquoi n’aiderait-il pas, dans l’absence de croyance véritablement régnante, à maintenir ces sentiments de christianisme moral, sans prétention dogmatique, de christianisme qui n’a plus la prière du soir en commun, mais qui (en attendant ce que réserve l’avenir) peut se nourrir encore par de touchants exemples et des effusions affectueuses ? […] Les objections au genre de succès que nous appelons de tous nos vœux et qui nous semble désirable pour l’honneur moral d’une nation chez qui la classe moyenne adopterait Jocelyn, autant que pour la fortune de Jocelyn lui-même, ces objections se tireraient plutôt, selon nous, des longueurs du livre et de certaines abondances descriptives ; car on peut dire plus que jamais de Lamartine en ce poëme, comme il dit de certains arbres des Alpes au printemps : La sève débordant d’abondance et de force Coulait en gommes d’or aux fentes de l’écorce.
Je le comparerais, pour la sagesse prématurée, à Vauvenargues, et plusieurs de ses pensées morales semblent écrites en prose par André Chénier : « Le jeune homme est enthousiaste dans ses idées, âpre dans ses jugements, passionné dans ses sentiments, audacieux et timide dans ses actions. […] La politique active et quotidienne ne l’occupait que médiocrement, et sans doute, la veille des Ordonnances, il en était encore à ses méditations métaphysiques et morales, ou à quelque lecture, comme celle des Harmonies, dans laquelle il se plongeait avec enivrement.
» Ce sont là de ces vers vertueux qui retrempent les jeunes âmes dans le goût de l’honnête, de l’antique, du beau moral, sans leur donner le vertige des illusions, des perfectionnements indéfinis, qui sont du ciel, mais pas de cette terre, où tout est fini et borné. […] Sa religion, c’est Dieu libre et agissant librement dans les âmes ; sa république, c’est la règle de l’ordre moral et politique imposée à tous par tous pour qu’il n’y ait place à aucune tyrannie, pas même à celle du peuple, la pire de toutes, parce qu’elle est sans règle, sans responsabilité et sans vengeur.
Comme s’il y avait deux morales et deux consciences dans le ciel et sur la terre ! […] Et à quelle mesure, dirons-nous aux partisans nombreux de ce sophisme, à quel degré du thermomètre moral reconnaîtrez-vous que l’immoralité change de nature, et que ce qui était crime dans le petit nombre devient moralité dans le grand nombre ?
je semblais toucher à ma fin, à une sorte d’anéantissement moral. […] Figurez-vous tout ce qu’il y a de naïf dans l’enfant, d’aimant dans la jeune vierge, de tendre dans la fille, de dévoué dans la sœur, d’affectueux dans l’amie, de religieux dans le sentiment, de pittoresque dans le coup d’œil, de délicat dans la perception, de nouveau dans le sens des choses morales et des paysages, sortant sans prétention, sans étude et sans effort, pendant vingt ans, d’une âme qui s’oublie elle-même pour se révéler à son Dieu, et qui trouve des accents, des images, des soupirs, des hymnes, comme l’éclair trouve son chemin dans les nuages, et comme l’abeille trouve son parfum dans les bouquets du printemps sur l’océan de fleurs de la prairie : voilà ce style !