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509. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Des coins étranges de maisons à moitié démolies, avec des restants de mobiliers hétéroclites : ainsi une boutique de coiffeur, dont la façade béante montre, oubliée, la chaise curule, où les blanchisseurs se faisaient faire la barbe, le dimanche. […] Sur le chemin qui passe derrière le Marché aux chevaux, des blouses lisent le journal au gaz des réverbères, et le gaz des arrière-boutiques des marchands de vin, montre les consommateurs faisant l’exercice, commandés par le gros homme du comptoir. […] Et l’on rencontre des rouleuses qui balayent les sentiers perdus, d’une jupe lâche, qu’en remontant, à tout moment, leur main montre attachée, sous le casaquin, par une ceinture rouge. […] Un rassemblement d’affamés devant… C’est une fruitière dont l’étal, à moitié répandu sur le trottoir, montre, dans une mare de sang, deux grands cerfs, le cou entaillé, et les entrailles jetées dehors, comme pour une curée. […] » Victor Hugo, dans cette visite, se montre aimable, simple, bonhomme, pas le moins du monde grandiloque ou sibyllin.

510. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Bien loin de s’enfermer dans un orgueilleux et sec individualisme, le « dilettante » montre un cœur fraternel. […] Mais cette prédilection de Flaubert montre quelle erreur ce serait de ne voir en lui que le chef du naturalisme. […] Jules de Gaultier en montre un éclatant exemple, entre autres, dans Don Quichotte. […] Il montre le repas du soir, le maître entouré de ses fils, de ses brus et de ses serviteurs. […] Mais sa doctrine montre ici quelque étroitesse.

511. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Le poète ne se montre pas plus favorable dans un cas que dans l’autre aux assemblées politiques ni aux cortès d’aucun temps ; mais en dernier lieu il est évident que toute sa foi royaliste s’était retirée de lui. […] Satan aussi cette fois se montre plus séduisant que le serpent ; c’est un Lovelace enchanteur, un don Juan qui a de célestes murmures. […] Les derniers vers, où il montre le pauvre mendiant, tout réconforté et encouragé par de bonnes paroles, se remettant à jouer et jouant mieux qu’il n’avait jamais fait, sont des plus heureux : Son regard attendri paraissait inspiré, La note était plus juste et le souffle assuré. […] Et cependant Samson, à ce moment où il montre tant de douceur et de complaisance, sait tout : il sait la ruse de la femme, ses perfides confidences à son sujet, ses intelligences avec l’ennemi, et que la femme est et sera toujours Dalila.

512. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Tel d’entre eux qui, avec ses égaux, ne fait usage que du patois du pays, est très-mortifié et se montre parfois très-piqué, si quelqu’un d’une classe plus élevée vient à lui adresser la parole en ce même patois ; c’est en effet lui dire tacitement : Je juge à votre air et à vos manières que vous ne devez pas comprendre le langage des gens bien élevés. […] Le passage de Sévère Sulpice, cité tout à l’heure, nous montre un homme d’assez humble condition, qui craint d’estropier le latin et qui s’en excuse ; mais enfin estropier le latin, c’est le parler. […] De Brosses, le continuateur et restaurateur de Salluste, voyageant avec Sainte-Palaye en Italie en 1740, — avec le gaulois Sainte-Palaye, comme il l’appelle, — le montre tout impatient de se faire exhiber par Muratori, le savant bibliothécaire de Modène, je ne sais quel recueil de vieux jongleurs provençaux. […] Je me range à sa manière de voir, et j’ajoute avec lui que les limites des trois dialectes picard, normand et bourguignon, ne correspondaient point avec exactitude aux limites politiques des provinces dans lesquelles on les parlait. » C’est là, après quinze ans d’intervalle et dans des études encore si mobiles, une confirmation remarquable, et qui montre que Fallot avait eu le coup d’œil supérieur.

513. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Je dirais encore que la peinture est une illusion du pinceau, une comédie sur la toile, qui vous montre des saillies où tout est plat, des formes où il n’y a que des ombres, tandis que la musique est une réalité. […] Des pendules de bois, des boîtes de montre en argent et en or, des ressorts d’acier, des rouages dentelés par la lime étaient suspendus aux vitres ou jetés pêle-mêle sur l’établi. […] XVIII Je passai trois jours dans cette famille patriarcale ; j’en ai oublié le nom, je n’en ai oublié ni le chalet, ni les habitants, ni les naïvetés, ni les matinées passées à faner le foin sur les prés, ni les soirées autour de l’établi de l’horloger, pendant que la mère chantait à demi-voix pour endormir l’enfant sur son sein et que la jeune fille limait entre ses doigts délicats, à côté de son père, les anneaux microscopiques d’une chaîne de montre. […] Son père cependant ne le destinait pas à l’horlogerie, qui ne pouvait nourrir plus d’un monteur de boîtes de montre dans le petit bien de famille ; il l’envoya faire des études classiques dans une maison d’éducation économique à Porrentruy ; il voulait le préparer à la profession du commerce : le Suisse est, comme l’Arabe, guerrier, pasteur ou marchand.

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