Molière, le sérieux, le pensif et mélancolique Molière, n’est point gai, en ses sublimes comédies, et il n’est pas moins le plus grand comique qui soit dans les littératures du monde connu. […] Et Beaumarchais, avec les deux chefs-d’œuvre de légèreté dont il orna le théâtre, et le troisième (ses Mémoires), dont il orna la littérature, eut tout son génie en gaîté, dans la plus vraie et la plus vive acception du mot, — et ni la satire politique qu’il aiguisait, de toutes les satires la plus cruelle, ni le craquement d’un monde qui s’en venait bas et dont il précipita, lui aussi ! la chute, ni ce monde tombé à la fin, ni un monde nouveau qui s’est élevé, ni le temps qui fait guenille de tout et qui a passé sur ses œuvres légères, rien n’a eu pouvoir de flétrissure sur cette gaîté inaltérablement charmante !
Cette institution était conforme à l’esprit républicain ; mais quand le gouvernement vint à changer, quand le monde entier fut dans la main d’un empereur, et que cet empereur qui n’était presque jamais appelé au trône par droit de succession, craignant à chaque instant ou des rivaux ou des rebelles, eut l’intérêt funeste de tout écraser ; quand on vint à redouter les talents, quand la renommée fut un crime, et qu’il fallut cacher sa gloire, comme dans d’autres temps on cachait sa honte, on sent bien qu’alors il ne s’agissait pas de louer les citoyens : les grandes familles aimaient mieux la sûreté et l’oubli, que l’éclat et le danger. […] À ce mot de la sagesse de Claude, tous les Romains se mirent à rire, et l’on oublia pour un moment que l’orateur était le maître du monde. […] » Cependant l’usage de louer les empereurs après leur mort subsistait toujours ; jamais cette institution ne dut paraître plus noble, que lorsque l’éloge funèbre d’Antonin fut prononcé dans la tribune par Marc-Aurèle : c’était la vertu qui louait la vertu ; c’était le maître du monde qui faisait à l’univers le serment d’être humain et juste, en célébrant la justice et l’humanité sur la tombe d’un grand homme. […] Quoique guerrier il fut humain, et sur le trône du monde il fut modeste ; malgré ses vertus, il fut assassiné ; Sévère ne prononça son éloge qu’après avoir terminé les guerres civiles qui le mirent sur le trône.
Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] C’est dans ces moments-là que les grêles ravagent les moissons, que la terre s’entrouvre, que les villes sont englouties ; fléaux qui désolent le monde, non par la volonté des dieux, mais parce qu’alors leurs regards ne tombent point sur la terre : voilà, grand empereur, ce qui nous est arrivé, lorsque vous avez cessé de veiller sur le monde et sur nous. » Ensuite on prouve à Maximien que, malgré son grand âge, il ne pouvait sans injustice quitter le fardeau de l’empire ; « mais les dieux l’ont permis, lui dit l’orateur, parce que la fortune, qui n’osait rien changer tant que vous étiez sur le trône, désirait pourtant mettre un peu de variété dans le cours de l’univers ». […] On le loue de sa piété céleste, et de ce qu’il a bien voulu se rendre aux instances de la patrie ; « Empereur éternel, tu n’as pu résister aux larmes de cette mère auguste. » Après cela on le compare au soleil, qui, en remontant sur son char, et de ses propres mains le guidant dans les cieux, a réparé les désordres du monde, embrasé par l’ignorance de Phaëton.
L’art aussi est un monde, et l’artiste souverain a du dieu. […] Si je sens une longue épine se tourner dans mon cœur avec tous ses piquants, je me tairai, et j’espère que mes douleurs secrètes me seront comptées dans un monde où tout est justice et vérité. […] Je l’avoue, je donnerais vingt mondes en plaine pour douze lieues en rochers et en montagnes. […] J’aime, comme vous, à voir la nature avec goût, avec amour, avec un œil pur et sensible ; et cet œil, qui est ma lumière et mon trésor, je le sens s’éteindre et m’échapper lorsque je mets le pied dans le monde. […] J’ai jeté mon anneau dans les forêts. » « Je ne puis vous dire combien je me trouve heureux depuis que j’ai secoué le monde.
Peuple de beaux instincts, mais de peu de moralité politique, toujours ivre de lui-même, enivrant les autres peuples de son génie et de son exemple ; mais ne tenant pas plus à ses vérités qu’à ses rêves, et créé pour lancer le monde, plutôt que pour le diriger vers le bien. […] Qu’ils balayent donc le monde politique : ils sont le balai de la Providence, comme Attila fut le fléau de Dieu. […] C’est une histoire coloniale de l’esprit français dans toute l’Europe, pendant que l’esprit français rayonnait de Paris sur le monde quelques années avant qu’il fît explosion par la révolution française. […] Tout lui souriait du côté du monde : elle détourna son âme et ne voulut regarder que du côté du ciel. […] » le monde dit : « Malheur aux modérés !