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659. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Emile Zola, plus curieux des mœurs générales que des âmes, disposé à ramener l’étude de l’homme à l’examen indifférent de ses instincts. […] On peut demander à la littérature d’exercer ou de chercher à exercer sur les mœurs une influence directe et pratique. […] Dumas a pu exercer sur les mœurs, je me demande encore comment il a été jugé par l’opinion courante. […] Son activité de moraliste : sa critique de la société et des mœurs ; caractère de cette critique. […] Il n’est pas moins radical en passant, comme il le fait dans ses derniers ouvrages, des mœurs publiques aux mœurs privées.

660. (1896) Écrivains étrangers. Première série

. — Notons encore, à propos de Quincey, un autre trait, bien caractéristique des mœurs anglaises. […] Nos romanciers ont préféré nous décrire les mœurs et les caractères de leur temps. […] Aksakof était un ardent slavophile, ennemi de toute introduction en Russie de mœurs et d’idées de notre Occident. […] Oscar Méténier, qui a tant contribué, par ses romans et ses pièces, à nous faire connaître les mœurs françaises, s’est proposé, en outre, de nous renseigner sur les mœurs de nos amis les Russes. […] Je ne parle pas seulement de ces peintures de contrées et de mœurs qui donnent par instants à l’enquête de M. 

661. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

J’avoue, pour moi, qu’un grand voyageur, parcourant le globe et rapportant à son pays, dans un style clair et précis, sans exagération comme sans déclamation, les spectacles dont il a été témoin, les mœurs dont il a compris la portée, les aventures dont il a été l’acteur, est le plus dramatique des hommes. […] Ce qu’il y a de plus louable dans les mœurs des Persans, c’est leur humanité envers les étrangers, l’accueil qu’ils leur font et la protection qu’ils leur donnent ; leur hospitalité envers tout le monde, et leur tolérance pour les religions qu’ils croient fausses, et qu’ils tiennent même pour abominables. […] Je n’attribue pas cela au principe de leur religion, quoiqu’elle permette toute sorte de culte religieux, mais je l’attribue aux mœurs douces de ce peuple, qui sont naturellement opposées à la contestation et à la cruauté. […] On s’est contenté de lui donner une éducation qui lui laissât une forte teinture des coutumes et des mœurs des Turcs. […] Voyons ce qu’il écrit de la politique et des mœurs de l’Orient.

662. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

L’étude de cette théogonie, l’examen des faits historiques et des institutions, l’analyse sérieuse des mœurs, suffisent à la démonstration d’une vérité admise par tout esprit libre d’idées reçues sans contrôle et de préventions aveugles. […] Je crois, enfin, qu’à génie égal, les œuvres qui nous retracent les origines historiques, qui s’inspirent des traditions anciennes, qui nous reportent au temps où l’homme et la terre étaient jeunes et dans l’éclosion de leur force et de leur beauté, exciteront toujours un intérêt plus profond et plus durable que le tableau daguerréotypé des mœurs et des faits contemporains. […] Le vrai moraliste applique à l’étude des mœurs, dans leur noblesse et dans leur dépravation, des facultés diversement compréhensives, fines, énergiques, profondes. […] Mais le moraliste ne corrige point les mœurs, et, par suite, il ne prêche point, parce qu’il n’appartient à qui que ce soit d’enseigner l’héroïsme aux lâches et la générosité aux âmes viles, non plus que l’esprit aux niais et le génie aux imbéciles. […] Notre-Dame de Paris, injustement critiquée par Gœthe, restera une vivante reconstruction archéologique et historique, telle que Victor Hugo l’a conçue et voulue, et quelles que soient les différentes façons de concevoir et de reproduire, dans une invention romanesque, les mœurs, les caractères, la vie des hommes du quinzième siècle, au moment de leur histoire choisi par l’auteur.

663. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Dans l’impossibilité de nous livrer aux fonctions et aux amusemens de la vie champêtre, d’errer dans une campagne, de suivre un troupeau, d’habiter une chaumière, nous invitons à prix d’or et d’argent le pinceau de Wouwermans, de Berghem ou de Vernet à nous retracer les mœurs et l’histoire de nos anciens aïeux. […] Le peuple baloté par ses passions et par ses erreurs, n’aura point de mœurs, car il n’y a de mœurs que là où les lois, bonnes ou mauvaises, sont sacrées ; car c’est là seulement que la conduite générale est uniforme. Pourquoi n’y a-t-il et ne peut-il y avoir de mœurs dans aucune contrée de l’Europe ? […] Pourquoi, me disais-je, les mots les plus généraux, les plus saints, les plus usités : loi, goût, beau, bon, vrai, usages, mœurs, vice, vertu, instinct, esprit, matière, grâce, beauté, laideur, si souvent prononcés, s’entendent-ils si peu, se définissent-ils si diversement ? […] Il s’introduit par la raison une exactitude, une précision, une méthode, pardonnez-moi le mot, une sorte de pédanterie qui tue tout : tous les préjugés civils et religieux se dissipent, et il est incroyable combien l’incrédulité ôte de ressources à la poésie ; les mœurs se policent, les usages barbares, poétiques et pittoresques cessent, et il est incroyable le mal que cette monotone politesse fait à la poésie.

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