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653. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Cet inconvénient l’obligea de mettre, à côté de ce qu’il faisoit imprimer suivant sa réforme, la même chose écrite à la manière ordinaire. […] Ce sont eux principalement qui la firent valoir, & qui ont mis à la mode la nouvelle orthographe. […] Se moquant également de l’usage reçu, de l’inutilité & des inconvéniens d’une trop grande innovation, & de l’habitude des yeux qu’un pareil changement blesse, il ne s’est embarrassé que d’établir ses idées singulières, de réaliser ses rêves sur le néographisme, de mettre un accord parfait entre l’orthographe, & la prononciation. […] Il met deux F à philosophe. […] L’impossibilité de sçavoir comment il faut prononcer la pluspart des mots latins, & les idées, à cet égard, des modernes latinistes mirent autrefois en combustion l’université de Paris & le collège Royal.

654. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit Mais, me dira-t-on, un artisan ne peut-il pas suppléer au peu d’élevation, et à la stérilité de son génie, en transplantant dans ses ouvrages les beautez qui sont dans les ouvrages des grands maîtres ? […] Despreaux, en faisant imprimer, par forme de commentaire mis au bas du texte de ses ouvrages, les vers d’Horace et de Juvenal qu’il a enchassez dans les siens, se seroient bien abusez. […] Des vers d’Horace et de Virgile bien traduits, et mis en oeuvre à propos dans un poëme françois y font le même effet que les statuës antiques font dans la gallerie de Versailles. […] Quant à ces peintres sans verve, qui ne sçavent faire autre chose en composant que mettre, pour ainsi dire, à contribution les tableaux des grands maîtres, taxant l’un à deux têtes, imposant l’autre à un bras, et celui qui est plus riche à un grouppe : brigands, qui ne fréquentent le Parnasse que pour y détrousser les passans, je les compare aux couseurs de centons les plus méprisez de tous les faiseurs de vers. […] Si les peintres et les poëtes ont le malheur de faire leur apprentissage sous les yeux du public, il ne faut pas du moins que le public mette en ligne de compte les fautes qu’il leur a vû faire, lorsqu’il les définit après qu’ils sont devenus de grands artisans.

655. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

L’histoire prit ces notes, bonnes à mettre non pas au cabinet, mais dans son cabinet, à elle. […] Ils avaient dû certainement aviser l’objet, dans son coin sommeillant, mais ils n’avaient pas osé réveiller le chat qui dormait ; car c’était pour eux un chat, que ce manuscrit, roulé et tapi dans son carton, qui aurait sauté à la figure de leurs idées, de leurs manières de voir, de leurs portraits, et qui les aurait mis en pièces… Songez donc ! […] Nicolardot a mis à la tête de son livre, en guise de préface. […] Louis Nicolardot, qui a mis des titres piquants aux classifications diverses de ce Journal qu’il nous montre comme une lanterne magique de faits et de chiffres, M.  […] Vous l’auriez vu, lui qui, un jour, brutalisa à la chasse un de ses gentilshommes qui se mettait entre lui et la bête furieuse, crier comme son aïeul Henri IV à Ivry : « Vous m’empêchez de voir l’ennemi, messieurs ! 

656. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Il a ce gros style qu’on appellera dans cinquante ans style Revue des Deux-Mondes, comme on dit le style, réfugié, ce style que chacun met sur sa pensée à cette Revue, et qui ressemble à une casaque pendue dans l’antichambre pour le service de tous les dos. […] Taillandier n’a pas l’honneur d’être protestant, ou, s’il l’est ; car tout le monde qui désobéit peut l’être, c’est un protestant sans doctrine, comme il est un philosophe sans philosophie, comme il est un fantaisiste sans invention, et l’introduction de son livre d’histoire et de philosophie religieuse nous met particulièrement au courant de cette fantaisie sans puissance. […] Saint-René Taillandier a repris une millième fois la thèse maintenant abandonnée de tout ce qui a quelque ressource de discussion dans la pensée, cette distinction banale de l’avocasserie philosophique, d’un christianisme du passé, mis en contraste avec le christianisme de l’avenir. […] « Ainsi, dit-il, l’Église de saint Louis n’était pas l’Église de Constantin », et on pourrait le mettre au défi de dire en quoi ces deux églises diffèrent ! […] Je demande bien pardon de mettre de pareils mots l’un en face de l’autre, même par horreur des idées qu’ils expriment, mais j’en renvoie le sacrilège à la Philanthropie contemporaine qui, à force d’amour pour l’auguste liberté des hommes, est parvenue à faire de son Dieu la prostituée du genre humain !

657. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Par sa nature, il doit répugner à cette forme essentiellement parnassienne du sonnet, à cette œuvre d’asthmatique qui, entre deux toux, place nettement son petit mot… Et puisque nous avons tous une famille littéraire quand nous sommes bien nés littérairement, et qu’alors nous ne nous mettons pas aux Enfants Trouvés des Écoles, l’auteur de La Vie inquiète s’apparente de loin à Henri Heine, et, de plus près, à lord Byron. […] … Théophile Gautier avait vécu toute sa vie de poète sans être Parnassien, mais les Parnassiens l’ont réclamé comme un des leurs et ils se sont mis à l’ombre de ses ailes, à cet homme qui n’en avait pas — à cet uomo di sasso d’Émaux et Camées. […] Il n’a cueilli que cette rose pâle dans la gerbe des roses noires ensanglantées de lord Byron· Il n’a pas osé, tout hardi qu’il est, mettre la main dans le buisson terrible. […] Que n’ai-je les vertus de l’ancienne magie Pour connaître où tu vis quand tu me fais mourir Mais, après tout, et malgré la mélancolie de la touche du poète, ces deux poèmes ne donnent pas la valeur réelle, et que la Critique doive mettre le plus en relief, du livre et du talent de M.  […] Il met au-dessus de tout le sentiment et la pensée, — dons de Dieu !

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